Le procès d’Yves Marguerat, un Français qui a vécu plus de 20 ans au Togo, se déroule cette semaine à Nanterre, en France. L’homme de 64 ans est accusé d’avoir violé 2 enfants entre 1991 et 1994. Il risque vingt ans de prison.
« Je reconnais avoir enfreint la loi en commettant des attouchements sexuels sur des jeunes, parfois mineurs, avec un nombre (de garçons) absolument impossible à chiffrer et avec la certitude de n’avoir pas fait de mal volontairement », a déclaré Yves Marguerat, 64 ans, accusé du viol de deux enfants togolais entre 1991 et 1994.
Le procès de ce chercheur, agrégé de philosophie, présumé coupable d’avoir abusé d’enfants des rues de Lomé, s’est ouvert mardi à Nanterre (Hauts de Seine). Bien qu’il reconnaisse les attouchements, l’accusé ne semble pas avoir conscience des crimes commis. A l’écouter, il aurait rendu service à ces jeunes enfants. Lors du premier jour d’audience, il a reconnu avoir commis des attouchements mais réfute avoir violé ses victimes.
Le chercheur a avoué avoir commis des attouchements sur de nombreux enfants dans sa maison de Lomé, que l’ancien consul de France, présent au procès en qualité de témoin, a qualifié de « harem ». Les propos du présumé violeur sont confus, et il est difficile d’adhérer à sa version des faits. Questionné sur l’âge de ses victimes par la présidente de la Cour, Sabine Foulon, M. Marguerat a admis que le plus jeune, René, « avait 11 ans, c’était le seul petit ». Auparavant, il avait affirmé qu’ « esthétiquement, [il aimait] les jeunes hommes, les petits non ».
« Ces deux viols, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg »
« J’ai cru respecter leur liberté, peut-être je me suis trompé » a déclaré le chercheur. Selon les deux victimes présumées, c’est la « terreur » plus qu’un sentiment de liberté qui régnait dans la maison du scientifique. « Il affirme que les enfants étaient consentants, mais ce qu’il faut savoir c’est qu’il leur remettait de l’argent et assurait leur survie en les hébergeant et en les nourrissant. Certes, il n’a pas usé de violence physique, mais la contrainte morale était terrible, abominable », a expliqué Maître Picquet, avocat de l’une des deux victimes, aujourd’hui âgé de 30 ans. Ce dernier a relaté en détails comment Yves Marguerat l’a violé en 1992, dans son bureau, après lui avoir promis de l’adopter et de l’envoyer faire des études en France. Et maître Picquet d’ajouter que « ces deux viols, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Sa maison était un véritable capharnaüm, avec des passages incessants ».
Yves Marguerat, employé pour un organisme public français, l’Orstom de 1978 à 1994, agissait sous couvert d’activités humanitaires qu’il faisait financer par des associations comme la fondation Raoul Follereau. Dès 1982, le chercheur fonde un foyer pour les enfants des rues qui étaient en « détresse affective », affirme-t-il, et tellement nombreux. Durant l’instruction, le Français a déclaré que les enfants l’accompagnaient sous la douche et voulaient dormir avec lui, au point qu’il leur donnait un tour. « J’étais une ONG à moi tout seul », a-t-il ajouté. Une ONG qui venait en « aide » uniquement aux petits garçons, car les fillettes se prostituaient pour subvenir à leurs besoins et n’avait pas besoin d’aide, selon ses explications.
Un spécialiste de l’action humanitaire
En parallèle des subventions de la fondation Raoul Follereau, qui se sont élevés à 209 000 euros entre 1996 et 2002, il avait aussi créé en France un comité de soutien aux enfants de Lomé à la paroisse de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Pas moins de 800 000 euros ont été versés par les paroissiens entre 1982 et 2005, dont la moitié est allée directement dans la poche du bourreau. Un comité d’aide et d’information pour le monde des enfants de la rue (Aimer) lui a aussi versé 48 088 euros entre 1994 et 2003.
Marguerat, qui n’a pas fait acte de repentance, est resté très serein durant l’audience. « Est-ce que l’action humanitaire n’a pas été faite? », voilà la réponse que Marguerat a donné mardi lorsque la Cour lui a demandé s’il n’avait pas l’impression d’avoir abusé des œuvres charitables qui le subventionnait…
Cette affaire de pédophilie en rappelle une autre. Celle du Père Lefort, condamné en juin 2005 à huit ans de prison pour avoir violé six mineurs au Sénégal. Il y a deux ans, Yves Marguerat, proche du religieux, témoignait en sa faveur et affirmait que « si l’enfant accepte de l’argent parce qu’il a faim, ce n’est pas un viol ».