Cristelle Flagbo peint comme elle vit, en noir et blanc. Avec des touches de gris. Et de couleurs aussi. Formée depuis 2008, la jeune femme est en quête perpétuelle pour sublimer son art. Ses tableaux sont sombres, profonds, transcendants, comme si elle avait un 3e œil. Une sensibilité autre. Pour cette togolaise aux formes généreuses, peindre c’est vivre. Et vivre c’est partager. Ce pourquoi l’artiste se consacre depuis peu à des ateliers de découverte et de perfectionnement pour enfants. Nous sommes allés à sa découverte.
« Je suis en perpétuelle quête pour sublimer mon art »
Afrik.com : Vous revenez d’une résidence artistique à Ouagadougou de plusieurs semaines, pouvez-vous nous en dire plus?
Cristelle Flagbo : J’ai été à Ouagadougou pour un mois de résidence au Musée national de la capitale du Burkina Faso, afin de travailler sur la collection du Musée, son histoire et sa fonction dans la Société. C’était passionnant ! J’ai fait la découverte de plusieurs œuvres dans ce bel univers… C’est le cas par exemple du masque « buffle polychrome » du peuple Mossi. On ne finit jamais d’apprendre, et d’aller à la découverte des autres et de leurs cultures… Je suis toujours dans ma quête perpétuelle pour sublimer mon art. C’est vital pour progresser, et donner davantage. C’est ainsi que mon art grandit. Pour cela, je m’inspire beaucoup du quotidien, de ce qui m’entoure, de l’être humain dans sa diversité et sa complexité et de ce que l’on ignore ou ne perçoit pas, au premier abord.
Afrik.com : Vos tableaux sont généralement assez sombres, peints en noir, est-ce un parti pris artistique ?
Cristelle Flagbo : Pour moi, s’il n’y avait pas d’obscurité, on ne parlerait pas de lumière, il est donc important de ne pas se focaliser sur les seules couleurs claires ; de plus black is beautiful. C’est donc essentiel de la représenter et de la peindre, cette fameuse couleur noir. En plus, je trouve que cette couleur noire qui domine mes toiles fais essentiellement ressortir ce que reflète l’homme en général à l’intérieur de lui-même, au plus profond de son âme, face aux autres, à la société…
Afrik.com : Vous ne peignez pratiquement que des visages, des regards, des yeux. Pourquoi ?
Cristelle Flagbo : Tout d’abord le visage de l’homme en général m’inspire beaucoup. Parce que cela reflète les pensées que dégage un être humain, sans qu’ils disent un mot. Le faciès, en général. Et il peut traduire ce que l’esprit ressent ou veux dire. Mais quelqu’un peut aussi te dire une chose mais son visage, son attitude, son comportement une autre, à l’opposé. Ainsi, j’observe beaucoup, c’est la base de mon travail artistique.
Afrik.com : Vous organisez des ateliers de peinture depuis peu à Lomé. Que ressentez-vous lorsque vous travaillez avec les enfants ? En quoi es important pour vous de transmettre votre goût pour l’art aux plus jeunes?
_ Cristelle Flagbo : C’est avant tout une passion de donner des cours et cela m’apporte, à titre personnel, beaucoup d’amour et d’affection. Ces sensations me permettent de transmettre plus facilement aux plus jeunes mon goût pour l’art. Et je pense avoir beaucoup à donner dans ce domaine. Pour moi, c’est important d’aider à développer chez la génération qui arrive dans la vie des valeurs autres que l’argent, la réussite ou le profit. Lorsque j’étais plus jeune, je n’ai pas eu la chance d’avoir cette base artistique dans mon éducation, de recevoir des cours de peinture, mais cela m’aurait beaucoup plu.
Afrik.com : Cependant, j’imagine que donner des cours doit être très différent du fait d’être seule devant votre toile, non?
Cristelle Flagbo : Bien sûr, être seul devant ma toile est très différent de lorsque je suis en atelier avec les enfants, mais l’élément primordiale entre les deux mondes est de transmettre ma vision, mon quotidien et mon inspiration.
Par exemple, les enfants plus âgés demandent plus de patience et de méthodologie mais c’est passionnant. Par contre les plus jeunes arrivent à mieux capter le travail de l’art, ce qui me donne une certaine facilité aux ateliers de peinture.
Afrik.com : Ces ateliers vous permettent aussi de rencontrer et de mieux te faire connaitre du public. Quel est le retour que vous avez des personnes qui aiment votre travail ?
Cristelle Flagbo : Les ateliers avec les enfants me permettent d’être en relation avec les parents qui ne connaissent pas forcément mes œuvres d’art. A cette occasion, ils voient et ressentent la qualité de mon travail à travers les œuvres de leurs enfants. Par contre, ma participation aux ateliers de résidence comme celui du Burkina Faso me fait rencontrer du monde, du public. Les retours de ceux qui aiment mes œuvres sont souvent des témoignages vis à vis de leurs ressentis par rapport à une de mes œuvres ou plutôt des encouragements pour me pousser à donner le meilleur de moi-même.