Le ministre togolais de l’Intérieur, le lieutenant François Esso Boko, a demandé, ce vendredi matin, le report du scrutin présidentiel du 24 avril. Il a été limogé, quelques heures après sa déclaration, par le Président par intérim, Abass Bonfoh. L’ancien juriste a qualifié le prochain scrutin de « processus électoral suicidaire ». Ces déclarations viennent légitimer le souhait, exprimé depuis plusieurs semaines par l’opposition et la société civile togolaises, de voir cette échéance électorale reportée.
« Il est impérieux que le président de la République prenne l’enjeu des risques réels qui se profilent à l’horizon en mettant fin à ce processus électoral suicidaire », a déclaré François Esso Boko, l’ancien (il a été limogé depuis) ministre togolais de l’Intérieur, lors d’une conférence de presse à Lomé, très tôt, ce vendredi matin. Il plaidait pour le report des élections présidentielles du 24 avril prochain. Ce que réclame déjà, depuis quelques mois, l’opposition et la société civile togolaises. Ce n’est pas gagné, mais elles peuvent considérer la dernière sortie de François Esso Boko comme une petite victoire. Car la machine Gnassingbé vient de connaître un couac majeur et elle le doit à un proche. Selon l’ancien ministre, la tension sociale que connaît actuellement le Togo, à la veille de ce rendez-vous électoral, est inédite et présage d’une éventuelle « guerre civile ». Il fait ainsi écho aux nombreux cris d’alarme lancés par la coalition des six principaux partis de l’opposition et de la société civile, dont ceux récents, à Paris, du groupe de réflexion Initiative 150 ; et aux multiples manifestations qui ensanglantent, depuis maintenant plus de deux mois, les rues de Lomé.
Une volte-face inattendue
Suite aux déclarations de son ex-ministre, le Président par intérim Abass Bonfoh, qui s’est dit surpris par l’attitude de celui-ci, est tout de suite monté au créneau en annonçant le maintien du scrutin de dimanche prochain. Et de préciser que « les forces de sécurité ont pris les mesures nécessaires pour garantir que l’élection présidentielle se déroulera pacifiquement ». Le discours du Lieutenant Boko, qui sonne comme un appel au secours à l’adresse de la communauté internationale, lui a valu d’être immédiatement limogé. Comment expliquer les raisons de ces propos auxquels beaucoup d’observateurs de la vie togolaise ne s’attendaient certainement pas ? Le principal concerné a affirmé que ses motivations étaient multiples. Outre la tension palpable qui règne au Togo, à la veille des présidentielles, le docteur en droit de l’Université Paris II et diplômé de l’Ecole de formation au barreau à Paris, a évoqué des menaces proférées à son encontre.
Mais ces raisons suffisent-elles, à justifier ce que le clan Gnassingbé considère comme une trahison, à trois jours du scrutin ? Notamment de la part de celui qui aurait réglé certains des détails juridiques relatifs à la démission de Faure Gnassingbé. Le résultat partiel du vote des soldats togolais pourrait peut-être donner un éclairage supplémentaire à l’attitude du juriste. Les forces de sécurité togolaises ont en effet commencé à voter, jeudi dernier, afin d’être, elles, disponibles le jour J. Un terrain somme toute complètement acquis à Faure Gnassingbé, fils du Président défunt, porté par l’armée. Cependant, de source bien informée, les résultats partiels de ce vote semblent lui être défavorables. Cela en dépit d’une campagne à gros renforts d’affiches où l’on voit le fils Gnassingbé dans toutes les postures, surfant entre modernité et tradition. Suivant ainsi, certainement, les suggestions avisées de son conseiller en communication, Jean-Luc Mano, également « media training » de Michèle Alliot-Marie, ministre français de la Défense.
La Cedeao, désavouée, joue la carte de l’apaisement
La communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(Cedeao), qui a dépêché 150 observateurs sur place, par la voie de son Président, le Nigérien Mamadou Tandja, avait appelé, mercredi dernier, les Togolais à être responsables afin que les élections de dimanche se déroulent dans les meilleures conditions. Rappelons que l’organisation est soutenue par la communauté internationale, notamment par la France qui lui a encore réitéré aujourd’hui son soutien. Elle est cependant désavouée par la coalition de l’opposition. Une opposition dont la jeunesse se présente aujourd’hui, plus que jamais, comme le fer de lance. Des jeunes, « prêts à mourir pour la démocratie », machette et/ou fusille de chasse à la main. A noter que la campagne bât son plein au Togo notamment pour les deux principaux candidats. Faure Gnassingbé était, aujourd’hui, à Kara, et Bob Akitani, candidat de la coalition, à Lomé.