Dimanche, trois jours après le scrutin présidentiel du 4 mars, le Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) marchait pour la deuxième fois. Son objectif : contester les résultats provisoires donnant le président sortant Faure Gnassingbé gagnant. Malgré les blessures de la veille, les leaders étaient à nouveau aux côtés de leurs partisans. Reportage.
« Gamé sou lo ! », scandent les militants. En Français, « il est l’heure ! ». L’heure de marcher pour contester les résultats annoncés la veille par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Ceux-ci donnent une avance confortable au candidat du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), Faure Essozimna Gnassingbé, crédité de 1 243 044 voix contre 692 584 voix pour son principal rival, le candidat du l’Union des Forces du Changement (UFC) Jean-Pierre Fabre. Or, le Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) formé suite aux discussions à Paris affirme que les procès verbaux en sa possession donnent « Obama », surnom de l’ancien secrétaire général de l’UFC, largement en tête des élections présidentielles. Dans une déclaration, ce mouvement accuse également la CENI d’avoir agit sans « respecter la procédure de vérification et de validation des résultats qu’elle s’est elle-même donnée. » Au siège du parti, ce dimanche 7 mars, l’impatience est perceptible. Il est environ 13h. La plupart attendent depuis 8h, ce matin, heure prévue du rassemblement. « On se croirait en monarchie » lance un homme dans la foule. « Nos grands-parents ont connu cette famille au pouvoir, nous aussi, et à ce rythme-là nos petits enfants la connaîtront également. » Rendez-vous est pris pour l’après-midi.
Dans les couloirs du bâtiment, des collaborateurs du candidat évoquent la nécessité d’occuper les artères principales de la ville et de mieux organiser les partisans. Jean-Pierre Fabre, lui, affiche sa tête des mauvais jours. La veille, leur manifestation, place de l’indépendance, près du quartier administratif de Lomé, a été réprimée à coups de jets de gaz lacrymogènes. Kofi Yamgnane, porte-parole du FRAC, et Jean-Pierre Fabre ont été blessés tandis que Dahuku Péré, président d’ALLIANCE, parti membre du FRAC, serait toujours à l’hôpital après des blessures aux pieds. Selon un communiqué du FRAC datant du 6 mars, Fianku Comlan, vice-président de l’UFC-Lacs aurait été soumis à une perquisition à son domicile à 20h30. Des actes peu compréhensible lorsqu’on se rappelle des promesses de « non-violence » du RPT. De plus, la loi constitutionnelle permet de telles manifestations à condition qu’elles soient pacifiques.
Au moins trois blessés
Un peu avant 16h, une troupe importante se met en marche depuis le siège du principal parti politique du pays, dans le quartier de Lom-Nava. « Environ quinze minutes après notre départ, nous avons été dispersés par des jets de bombes lacrymogènes, il y a eu au moins trois blessés dont un journaliste », raconte Fomé, l’un des manifestants. Fuyant les gaz, des jeunes courent dans les rues. Plusieurs dizaines de jets ont été perçus jusque dans les quartiers reculés alentour. Plus de quatre heures après, quatre à cinq camions de la Force Spéciale Election Présidentielle 2010 (FOSEP) étaient encore postés tout près du commissariat du 3e arrondissement, à quelques mètres à peine du siège de l’opposition. La veille, le Yark Daméhane, commandant de la FOSEP, avait déjà justifié avec bagou l’usage de la force par l’interdiction de toute manifestation « de joie ou de protestation ». Déjà, des témoins avaient rapporté des intimidations venant des membres de la Force Spéciale pointant leurs armes sur des civils, samedi 6 mars, jour de la proclamation des résultats, quelques heures avant l’annonce de la CENI.
Pour l’instant, la détermination des militants reste sans faille. « A compter de ce jour, la lutte pour la prise du pouvoir sera quotidienne », affirme même ladite déclaration du front. Peu avant de rejoindre la marche, il semblerait que le porte-parole Kofi Yamgnane ait discuté avec des membres de l’Union Européenne sur la situation actuelle. Alors qu’une troisième descente dans les rues de la capitale est prévue pour le mardi 9 mars, le FRAC annonce, dans ce même communiqué, que « Monsieur Jean-Pierre Fabre, président élu par le peuple souverain, nommera le moment venu un Premier ministre, chargé d’entreprendre des négociations et des consultations. » Aucune information ne filtre pour l’instant à ce sujet. Pourtant, un proche de Jean-Pierre Fabre croit savoir qu’il s’agira « peut-être » de Kofi Yamgnane. Histoire, sans doute, d’ajouter une nouvelle pression face ce qu’ils appellent un « coup de force électoral ».
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