Drôle de scénario pour l’opposition togolaise. Alors qu’elle était d’accord, il y a encore quelques jours, pour nommer un candidat unique à la présidentielle du 24 avril prochain, elle se retrouve à nouveau scindée en « partis traditionnels» et « partis satellites du RPT » (Rassemblement pour le peuple togolais). Les deux groupes s’accusent mutuellement de faire des choix risqués face à la machine du parti au pouvoir. Les élections s’annoncent mouvementées.
Par Smahane Bouyahia
L’opposition togolaise scindée en deux. Six partis de l’opposition radicale[[<1>L’opposition radicale est constituée outre le CAR (Comité d’Action pour le Renouveau) et l’UFC, de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), de l’Alliance pour la Démocratie et le développement (ADDI), du Pacte social pour le renouveau (PSR) et de l’Union pour la démocratie et la solidarité (UDS).]] ont désigné Emmanuel Akitani Bob, 74 ans et numéro deux de l’Union des forces du changement (UFC), comme candidat unique à la présidentielle du 24 avril prochain, face au RPT (Rassemblement pour le peuple togolais, au pouvoir) et à son candidat Faure Gnassingbé – fils de feu le général-président Eyadema Gnassingbé mort en exercice le 5 février dernier. De leur côté, les « partis modérés » expriment leur mécontentement face au choix de l’UFC, principal parti de l’opposition, dont le président, Gilchrist Olympio, ne peut se présenter pour des raisons constitutionnelles.
Le retour éclair de Gilchrist Olympio
Plusieurs milliers de Togolais ont fait un accueil triomphal à Gilchrist Olympio samedi, pour son retour au Togo. Celui-ci, fils du Président Sylvanus Olympio assassiné en 1663, incarne la ligne dure de l’opposition au régime militaire de Gnassingbé Eyadéma. Vivant en exil en France, il avait fui le pays en 1997 après plusieurs tentatives d’assassinat et n’avait effectué que de brèves visites au pays ces dernières années. Il a appelé, samedi, au dialogue et à la réconciliation avec l’armée. « Ce ne sont pas tous les militaires qui sont ennemis du changement », a-t-il déclaré ensuite devant la presse, puis lors d’un meeting. « Les forces armées nous aideront dans l’effort de reconstruction du nouveau Togo. » C’est la première fois qu’il se montre accommodant avec les militaires, qu’il qualifiait auparavant de fardeau pour le pays. Gilchrist Olympio a enfin demandé la mise en place de « mesures équitables » pour assurer, sinon un scrutin parfaitement juste, « au moins pour limiter la fraude pendant les élections » présidentielles.
Si Gilchrist Olympio est arrivé samedi matin à Lomé, il en est reparti le soir même pour Accra au Ghana, pour des « raisons de sécurité »[[<2>Gilchrist Olympio a été victime d’un attentat en 1992 dans le centre du Togo, alors qu’il était en campagne de sensibilisation]], a appris l’AFP dimanche auprès de son parti. « Il est reparti à Accra après le meeting de sensibilisation et d’investiture du candidat de l’opposition pour des raisons de sécurité », a affirmé un responsable de l’Union des forces du changement (UFC), soulignant que M. Olympio, qui a également une résidence à Accra, « reviendra dans les jours à venir ». « Pour l’instant, aucune date n’a été arrêtée », a souligné ce responsable qui a requis l’anonymat. Le leader du principal parti d’opposition a procédé samedi à l’investiture du premier vice-président de l’UFC Emmanuel Akitani Bob, candidat « unique » de l’opposition radicale pour le scrutin présidentiel du 24 avril, lors d’un meeting rassemblant plusieurs milliers de sympathisants. Il les a appelés à voter massivement pour son numéro deux, lui-même ne pouvant pas être candidat pour des raisons de résidence. M. Olympio, 68 ans, ne peut en effet se présenter à la magistrature suprême, car la Constitution exige que tout candidat ait résidé « sur le territoire national depuis 12 mois au moins » avant la date du vote.
Akitani Bob, candidat de l’opposition
Emmanuel Akitani Bob, premier vice-président de l’Union des forces du changement a été désigné par « consensus par les six partis » de l’opposition radicale pour la présidentielle du 24 avril a indiqué mardi dernier à l’AFP Me Yawovi Agboyibo, président du Comité d’action pour le renouveau (CAR). « Plusieurs critères ont motivé ce choix, notamment les résultats obtenus par les six partis lors des dernières élections. Sur la base de ces critères l’UFC apparaît en tête », a-t-il souligné. « C’est notre candidat et non celui de toute l’opposition. C’est un compromis accepté par les six partis, la population nous a demandée de designer un candidat, peu importe la personne », a précisé Me Agboyibo. Emmanuel Akitani Bob, malgré tout contesté par l’opposition charnière au RPT.
M. Zarifou Ayéva, président du Parti pour la Démocratie et le renouveau (PDR), estime que M. Akitani Bob ne peut prétendre représenter à lui seul toute l’opposition. Edem Kodjo, ancien Premier ministre, qui dirige la Convergence patriotique panafricaine (CCP), une autre formation modérée, qui avait appelé à une candidature unique de l’opposition, a affirmé à l’AFP que le choix de M. Akatani Bob « n’a pas été fait au nom de la famille politique de l’opposition, mais au nom d’une fraction de l’opposition et même en définitive d’un seul parti », autrement dit, l’UFC. Harry Olympio, président du Rassemblement pour le soutient et la démocratie et du développement (RSDD) et plusieurs fois ministre du général Eyadema, estime que « l’opposition traditionnelle s’est royalement plantée de candidat (…) M.Akitani n’est pas l’homme de la situation. Il ne peut pas représenter l’opposition plurielle et encore moins la jeunesse». Des jeunes de la Nouvelle dynamique populaire (NDP) ont également contesté mercredi dernier la candidature de M. Akitani estimant que seul Léopold Gnininvi, leader de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), qui fait pourtant partie des six partis de l’opposition alignée est « capable de sortir le peuple de la situation ». Le candidat unique a pour sa part annoncé que sa candidature « répondait à l’attente des électeurs ». En se prononçant sur la présidentielle du 24 avril prochain, il a estimé pouvoir remporter 54% des voix.
Les challengers
Outre Faure Gnassingbé, candidat du Rassemblement pour le peuple togolais (RPT, parti au pouvoir) et fils du défunt Président, Nicolas Lawson, un homme d’affaires et président du Parti du renouveau et de la rédemption (PRR), ainsi que Kofi Yamgnane, l’ancien secrétaire d’Etat français à l’intégration, vivant en France, ont aussi fait acte de candidature. Du côté de l’opposition charnière du RPT, Harry Olympio, président du Rassemblement pour le soutien de la démocratie et du développement (RPSDD) s’est également lancé dans la course à la succession de Eyadema.