Il y a quarante ans qu’il combat le régime. Que ce soit pour venger son père-président assassiné le 13 janvier 1963 ou pour restaurer les promesses de l’indépendance, son engagement reste légitime. Seulement, la lutte pour la démocratie au Togo a été longue et âpre. Gilchrist Olympio, sur ce parcours du combattant, s’est exposé à toutes sortes d’accrocs qui vont considérablement éroder son charisme. L’opposant majeur d’hier deviendra une irritation mineure pour le régime du RPT. Il a fini par jeter l’éponge.
Parmi les qualités que doit avoir un Homme d’Etat, il en est une que le principal opposant togolais n’a pas : l’humilité. A force de se répéter, inlassablement, qu’il est le plus grand, le plus populaire, l’âme la plus noble, et que les autres ne sont, au mieux, que de quantité négligeable, il n’a pas vu venir le vent de la fronde et de la contestation qui va le mettre hors jeu. L’homme, un mauvais politique, s’est fait griller à petit feu par son incapacité à devancer les pièges, par l’absence de résultats et aussi par les refrains adulateurs de ses courtisans. Sa nature un peu trop suffisante le conduit fréquemment à prendre ses distances avec la logique.C’est ainsi qu’il dira par exemple que “ la candidature unique de l’opposition lors de la présidentielle du 28 février 2010 n’était pas nécessaire”.
Son équation était trop erronée pour ne pas endommager son image publique et déstabiliser ceux qui veulent encore donner quelques chances à cette élection.La réaction de l’opinion, y compris dans son propre camp, avait été un parfait reflet de l’émoi suscité par cet écart de langage.Le CAR de Maître Agboyibor, visiblement aux aguets, avait bondi sur l’occasion pour remettre en cause la candidature du leader de l’UFC.
Sur la base de l’expression “ il faut donner à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu”, Gilchrist Olympio devrait avoir les égards de sa séniorité et porter l’étendard. Il est une pièce centrale, l’un des tout premiers à comprendre la nécessité de renverser le régime des abominations qui a fait du Togo la confluence de tous les réseaux de mafieux.On l’accuse parfois d’être possédé par un esprit de vengence.Qui à sa place ferait autre chose? Et où aurait été le mal s’il avait, dans les années 80, réussi à redonner au Togo les fondamentaux de son indépendance? C’est conscients du symbole qu’il représentait que les séides d’Eyadéma avaient failli, en mai 1992, le tuer dans un attentat contre son cortège à Soudou,dans le nord du Togo.
De l’eau a coulé sous les ponts…
Gilchrist Olympio avait la baraka, l’aura et l’agenda pour être le chef de file incontestable de l’Opposition togolaise. Seulement, l’homme avait beaucoup souffert d’un mal, pas des moindres: ces compatriotes lui reprochent de ne pas être pas un stratège accommodant pour diriger un groupe de derrière, tout en tenant solidement le devant.Certains le trouvent même “invivable”. Pour d’autres, son air suffisant ne lui permet pas de tisser des alliances en terrain hostiles et d’attirer la sympathie des forces extérieures que son genre nationaliste exacerbe.Après l’avoir promené sur les cinq continents pour des accords politiques qui s’étaient avérés aussi creux que dupeurs, le pouvoir a réussi à lui venir à bout. L’âge a fait le reste.Le mythe s’est ramolli.Le sexagénaire exposera des comportements régressifs bizarres propres au crépuscule d’une fin de carrière, pour finalement abandonner au profit de Jean-Pierre Fabre, le secrétaire général de son parti l’UFC.
Mr Olympio quitte la tête de pont mais la question de la candidature unique de l’opposition togolaise reste en tête de liste des exigences des togolais. Me Agboyibor peut penser que le départ de Gilchrist va l’arranger, ayant toujours cru que l’UFC lui doit un ascenseur.Seulement, l’image du leader du CAR dans l’opinion a connu une profonde érosion. Sa cote est amaigrie et son avenir politique est derrière, disent les détracteurs de celui qui se surnomme le “Belier noir de Kouve” Lorsqu’on compare l’avocat aux plus sérieux des prétendants que sont Jean-Pierre Fabre (UFC), Koffi Yamgnane (Indépendent), Agbéyomé Kodjo (OBUTS), il est loin d’être l’homme de la situation.Les togolais refusent d’accorder une quelconque chance à Mme Kafui Adjamagbo, candidate de la CDPA, parti du Pr Léopold Gnininvi.Il faut rappeler qu’on compte au total 7 candidats contre le président sortant, Faure Gnassingbé.
On sait que les leaders de l’Opposition togolaise, trop souvent, de bisbilles en confrontation directe, se sont toujours entredéchirés, oubliant royalement l’intérêt général..S’il est vrai que l’objectif d’un parti politique, c’est la conquête du pouvoir , il n’est pas moins vrai que le contexte actuel réfute ce principe auquel on aime à s’accrocher au Togo. “Il faut un candidat unique de l’opposition! Evitons le scandale gabonais”, répètent inlassablement les togolais qui veulent à tout prix le changement.
Gilchrist Olympio a peut-être compris que l’appel pressant du peuple en faveur d’un candidat unique de l’opposition ne peut plus rester sans réponse.A défaut de faire un consensus sur son nom ou pour des raisons qui sont, à ce jour, encore inconnues, le président de l’Union des Forces de Changement a passé la main, tout en évoquant un mal de dos qui l’aurait cloué au lit en Amérique.Vrai ou faux malade, c’est un emblème qui s’est mis en berne.C’est aussi ça, la grandeur que lui-même et ses “adeptes” n’ont jamais manqué aucune occasion de réclamer, tambour battant.