Togo : Faure n’est pas élu, il a perpétré un autre coup d’Etat


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L’usine de fabrication des victoires du RPT a fonctionné. Au nez et à la barbe des observateurs de l’UE, de la CEDEAO et de l’OUA. Faure Gnassingbé se maintient, contre la volonté populaire. Le sentiment général, ici au Togo, est que plus personne ne croira aux élections comme solution de sortie de crise. Au soir de ce qu’on peut qualifier de proclamation de la honte, les rêves se sont transformés en cauchemars. Les Togolais en sont à chercher leur libérateur. Partout, sauf dans les urnes.

C’est une tradition à laquelle le RPT ne faillit pas : fraudes massives, violence à la clé. Le parti qui bricole le destin du peuple togolais est encore toute arme tout muscle dehors. Les hommes du tristement célèbre Colonel Yark Dahemane font le porte à porte dans Lomé, à la recherche “de soi-disant activistes de l’opposition”. Le régime va, probablement, en rajouter aux tonnes de sang qui ruisselle déjà sous son fauteuil.Sans aucune gêne. Sans nulle peur de châtiment pour ses propres casseroles judiciaires pendantes. Faure et les siens démontrent, cinq ans après les massacres commis essentiellement dans le sud du pays, qu’ils n’ont aucun remords pour les cinq cents vies humaines que leurs forces armées, militaires et milices combinées, ont supprimées en 2005.

Ce spectre répétitif laisse aux togolais très peu de choix et leur suggère avec insistance la voie de la force pour établir l’équilibre et se défendre de la brutalité du pouvoir.

On constate que c’est à cause de l’absence de cette force équivalente dans le camp de l’opposition que le RPT et ses troufions font usage de la leur avec une aise jubilante. La complaisance a assez duré, et c’est désormais clair pour tout le monde – togolais et communauté internationale confondus – que le temps est arrivé d’envisager une parade suffisamment forte pour contraindre le régime à changer d’attitude. Le plus tôt sera le mieux, car – c’est visible – les togolais en sont à un point où ils ne voient l’espoir du changement qu’à travers une revanche à la dimension de la croix qu’ils traînent à trvers des décennies.

L’histoire enseigne que la non-violence n’aurait pas arrêté la “campagne de purification” d’Adolf Hitler. Elle n’aurait pas permis de déverrouiller le régime de plomb du couple Nicolae et Elena Ceaucescu. Les dialogues seuls n’auraient pas suffi non plus à convaincre les racistes blancs à desserrer l’étau de l’apartheid en Afrique du Sud. Ce n’est donc pas les dialogues de sourds intercalés d’élections frauduleuses auxquels les Togolais assistent qui vont endiguer l’état de siège que fait peser le RPT sur le Togo.

Quelle alternative ?

Cette méprisable re-élection de Faure Gnassingbé n’arrange rien. C’est une abomination qui plonge davantage le pays dans un climat social infecte où tous les esprits sont surchargés de violence. Peut-il en être autrement lorsque les seigneurs de la force militaire, ont arrogamment mis à la poubelle tous les accords de sortie crise?

Parce que la violence provoque et justifie la violence, le penchant à la réciprocité domine. Surtout chez les jeunes que rien ne peut plus empêcher de croire que la violence ne doit plus aller dans une seule direction au Togo. Cette aspiration occupe les cœurs et les esprits, dans une proportion à ne pas plaire aux suppôts du système. Naturellement, ces derniers verront dans la ligne du talion une option subversive et irresponsable. Parce que l’idée est une menace pour leur zone de confort. Ils préfèrent que la situation reste en l’état. Aussi savourent-ils, cyniquement, la violence à sens unique qui maintient le statut quo et restreint les libertés civiques. Ce qui est arrivé devant la résidence de l’Ambassadeur des USA à Lomé prouve qu’on a affaire, au Togo, à un système de dépravation que seules les manifestations de rue ne suffiront pas pour y venir à bout. Face à un système pareil, il faut bannir le mot “Election” du langage politique sous le ciel togolais. On doit surprendre le RPT avec une révolution soudaine de type roumain.

Tout le monde comprend que la violence apporte rarement une paix authentique, qu’elle ne résout pas durablement les problèmes d’une nation. Au contraire, elle en crée de nouveaux et de plus compliqués. Cette perception est bien noble pour l’arme de paix et d’amour qu’elle représente. Mais face au supplice pénétrant que subissent les Togolais dans leur chair – des milliers ont signé avec leur sang l’échec du passage du Togo en démocratie – on peut craindre qu’une attitude pacifiste dans le contexte actuel ne soit qu’une simple vue de l’esprit, sans aucun rapport avec le réel.

Voilà où en sont les Togolais au lendemain d’une présidentielle pour laquelle ils se sont mobilisés des mois entiers. Tout compte fait, des sacrifices pour rien, sinon pour les beaux yeux du prince de Pya? On dit du fourbe usurpateur que le cœur humain est absent de sa poitrine. Quelle que soit le degré de son inconscience, quelle que soit l’armada qui le protège, ce quinquennat sera pour lui de la mer à bouillir.

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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