Jean-Pierre Fabre, le secrétaire général de l’Union des forces de changement, principal parti d’opposition togolais, était à Cotonou pour faire entendre sa voix au « Forum des partis, des médias et de la société civile en Afrique de l’Ouest ». Il revient pour Afrik sur l’avenir de son pays, sur le rôle de la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et de la France dans la crise actuelle, ainsi que sur sa rencontre avec le représentant du parti de Faure Gnassingbe au Forum.
De Cotonou
Un « Forum des partis politiques, des médias et de la société civile en Afrique de l’Ouest » consacré à la paix et à la démocratie et organisé à Cotonou, au Bénin, à quelques encablures de la frontière togolaise. Quel meilleur lieu de rencontre pour le Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti de Faure Gnassingbe, et l’Union des forces de changement (FC) de Gilchrist Olympio. Le parti du Président contesté donné absent le premier jour du Forum, tenu en plénière. Jean-Pierre Fabre, le virulent secrétaire général de l’UFC, a d’abord pris la Cedeao pour cible. Mais le RPT est finalement arrivé… pour tout juste entamer un dialogue de sourd avec l’opposition. Jean-Pierre Fabre revient sur les raisons de sa présence à Cotonou, sur ses ressentiments à l’égard de la Cedeao et de la France et sur l’avenir de son pays.
Afrik : Savez-vous pourquoi le RPT n’est pas représenté à ce forum ?
Jean-Pierre Fabre : Il l’est. Leur représentant est arrivé ce matin (mercredi 29 juin). Je l’ai croisé tout à l’heure mais je ne le connaissais pas. Je ne l’avais jamais vu. Nous avons discuté quelques minutes.
Afrik : Que lui avez-vous dit ?
Jean-Pierre Fabre : Pourquoi vous nous massacrez ?
Afrik : Que vous a-t-il répondu ?
Jean-Pierre Fabre : Pourquoi vous nous massacrez ?… Mais nous sommes mains nues, lui ai je répondu…
Afrik : Pourquoi participez-vous à ce forum ?
Jean-Pierre Fabre : Je suis venu pour porter le problème du Togo à la connaissance des autres partis. Je ne suis pas venu pour autre chose. Maintenant, si le forum peu prendre des décisions importantes, tant mieux.
Afrik : La crise togolaise n’a-t-elle pas été assez traitée dans les médias ?
Jean-Pierre Fabre : Si, mais on ne donne pas d’informations précises. Quand j’écoute le général Diarra – Secrétaire exécutif adjoint aux Affaires politiques, de défense et de sécurité de la Cedeao, intervenant dans le forum – en parler, je suis convaincu du manque de sincérité de la Cedeao. Oser dire qu’au début, c’est l’opposition qui a mis le feu aux poudres… Dire que le soldat filmé en train de porter une urne la sauvait des dégradations des opposants… Mais c’est la version de Faure Gnassingbe que M. Diarra nous ressert. C’est très africain de chercher à justifier l’injustifiable, de dire ‘mais vous n’avez pas l’ensemble de la scène, telle est la vérité’. Je suis allé le voir pour lui dire qu’il avait autre chose derrière la tête. En réalité, la Cedeao exécute le plan de la France. Paris s’est caché derrière la Cedeao mais a soutenu un maintien du système.
Afrik : Vous semblez être en colère contre la cedeao…
Jean-Pierre Fabre : Lorsque nous sommes allés à Abuja, le Président Obasanjo (également président en exercice de l’Union africaine, UA) disait que ce qu’a fait le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré – il a nommé l’ex-chef d’Etat zambien Kenneth Kaunda comme envoyé spécial au Togo – est un non-sens. Moi, je disais que l’injustice crée la frustration, qui engendre la violence. Ce que le chef de l’Etat nigérian prenait pour une menace. Mais ce n’en n’est pas une. En tant que représentant d’un parti, je n’appelle pas à la violence. Mais des gens peuvent penser que c’est le seul moyen pour amener la fin du régime. Le message des médiateurs est ‘vous vous êtes fait voler, vous n’êtes pas les premiers, patientez’.
Afrik : Patienter pour éviter que le sang ne coule de nouveau ou pour un autre motif ?
Jean-Pierre Fabre : Olusegun Obasanjo exécute le plan de la France en contrepartie d’une réduction de la dette de son pays et du soutien de Paris pour un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Afrik : Aujourd’hui, quel est votre avenir ? Iriez-vous à des législatives si elles étaient organisées ?
Jean-Pierre Fabre : Non, nous ne pourrions pas, car dans ces conditions, elles seraient encore volées. Depuis le rejet de la plateforme politique que nos camarades sont allés précipitamment remettre, sans que l’UFC ne l’ait ratifiée, nous sommes toujours dans la Coalition et continuons à discuter ensemble.
Afrik : Durant tout le processus, n’avez-vous pas fait figure d’ogre, au sein de la coalition, en demandant notamment à ce que le Premier ministre soit choisi dans votre parti et dans aucun autre…
Jean-Pierre Fabre : Quand nous sommes ensemble, chacun doit reconnaître sa place. Nous ne devons pas minimiser celles des autres partis, mais nous souhaiterions également que l’on reconnaisse la notre. Et quand nous disons quelque chose, nous aimons que l’on nous suive.
Afrik : Lors des précédents scrutins, l’opposition a été critiquée pour n’avoir pas réussi à s’unir. Considérez-vous avoir fait des progrès sur ce point ?
Jean-Pierre Fabre : Ce n’est pas évident. Nous n’avons pas la même culture, pas les mêmes origines politiques, certains partis fricotent un peu, beaucoup, passionnément avec le pouvoir… Mais nous avons réussi à travailler ensemble et à dégager un seul candidat. Il faut voir les efforts que cela nous a demandés ! Nous avons réussi à empêcher les gens, notamment la communauté internationale, d’imputer l’échec des élections à l’opposition.
Afrik : Avez-vous l’impression de vous retrouver dans la même situation qu’avant la mort d’Etienne Gnassingbe Eyadéma ?
Jean-Pierre Fabre :Exactement la même. A la différence que le fils est plus rusé que son père et va créer plus de difficultés que lui.