Eugène Koffi Adoboli, ancien haut fonctionnaire des Nations Unies à Genève, devenu par la force des ambitions, premier ministre de Gnassingbé Eyadèma est aujourd’hui en délicatesse avec le régime qu’il a contribué à sauvegarder. La Cour d’Assise de Lomé l’a condamné hier 21 juillet à cinq années d’emprisonnement pour avoir ‘’détourné des deniers publics’’. Deux de ses anciens collaborateurs, Hope Agboli et Issa Samarou, ministres à l’époque des faits, écopent chacun de huit années d’incarcération.
Les trois ‘’délinquants’’, pour s’être donnés des libertés avec les fonds publics rembourseront à l’Etat RPT une somme d’environ 800 millions de CFA. Sous nos yeux, se déroule ainsi l’un des feuilletons que le RPT, périodiquement, sait offrir aux Togolais et à la communauté internationale.
Au Togo, nul ne gémira sur le sort fait à ce sémillant sexagénaire de la fin de la décennie 90 qui a rêvé de polir l’image du Togo connu pour les massacres des populations civiles aux mains nues , accusé en outre par les organisations de défense des Droits de l’Homme d’avoir largué en haute mer par hélicoptère des cadavres de citoyens à jamais disparus.
L’ancien haut fonctionnaire des Nations Unies que le général Eyadèma avait débauché de son poste à Genève, pour en faire son Premier Ministre du 21 Mai 1998 au 31 Août 2000, rêvait de faire des miracles. Il n’a récolté de son séjour au royaume du RPT que désenchantement et écœurement pour être remercié à la fin comme un pestiféré. Abusé et déçu, il est accusé aujourd’hui et jugé pour détournement de fonds publics. Quel déshonneur ! L’ancien PM d’Eyadèma n’entend pas se laisser faire. Il déclare que ce sont plutôt ses anciens employeurs du RPT qui lui doivent deux cents millions de CFA. Allez-y comprendre quelque chose!
Le Togolais ordinaire, habitué à ne jamais connaître la vérité sur chacune des nombreuses affaires qui éclatent dans son pays, ne sait que faire de celle-ci. “A trop chercher les ennuis soi-même, on en subit les conséquences, ” prédit-on dans nos chaumières avec un mélange d’ironie, de mépris et de dégoût. Quant à Eugène Adoboli, l’on est tenté de lui demander ce qu’il est allé chercher dans cette galère? Lui qui fut inspecteur général du système des Nations Unies. On a l’impression, à voir l’avidité avec laquelle il a sauté sur l’offre d’Eyadèma que le “Non Merci” n’existe pas dans le langage togolais. De quoi manquait ce fonctionnaire international hautement qualifié, qui gagnait superbement sa vie à L’ONU, pour aller s’acoquiner, avec un régime mis au ban de la communauté internationale et dont la faillite ainsi que la brutalité étaient notoirement connues?
Franchement, il ne doit pas y avoir aujourd’hui, au Togo, grand monde pour s’apitoyer sur son sort. Même si, dans sa condamnation hâtive, tout porte à croire qu’il a été offert en pâture pour couvrir des crimes économiques les plus colossaux, les plus crapuleux et les plus scandaleux.En Août 1991, la Conférence Nationale Souveraine avait constaté et prononcé la faillite du régime RPT. Cela n’a pas empêché des élites, à défaut de rester dignes, de collaborer, les unes après les autres, avec un système qu’elles avaient le devoir de mettre hors d’état de nuire. L’expert onusien s’est ajouté plus tard à la liste de ces effrontés corrompus. En ces temps-là, feu Koffi Panou, le griot-maison avait vendu à qui voulait’’ les acheter’’les mérites du nouveau Premier Ministre, l’oiseau rare, originaire d’Ahlon (grand Kloto), débarqué de Genève.
‘’J’ai servi avec droiture et loyauté’’, dit aujourd’hui Eugène Adoboli. Il n’a pas tort. L’image qu’il laisse dans les esprits le confirme. Seulement, sa danse bancale exécutée pour les beaux yeux de son “Patron”, lors d’un banquet au camp RIT, au rythme de la musique du groupe ARETO (Animateurs de la Révolution Togolaise) est restée de travers chez ceux qui étaient au courant de ses compétences dans le système des Nations Unies. Ses ennuis d’aujourd’hui ne sont que les conséquences de ses ambitions et errements mal mesurés. Il devrait pourtant savoir qu’on ne sort jamais indemne d’une collaboration avec le RPT. Qui s’y frotte, s’y pique, dit l’adage.
Kodjo Epou
Washington
DC