Neuf blessés et deux morts. Le 8 janvier 2010, le bus qui transportait l’équipe de football du Togo avait été attaqué à Cabinda. Alors que les joueurs se rendaient dans cette enclave de l’Angola située entre la RDC et le Congo-Brazzaville pour représenter leur nation dans la compétition de la coupe d’Afrique, leur bus avait été violemment mitraillé. Ils étaient restés sans défense sous les coups de feu du groupe séparatiste Front de Libération de l’Enclave de Cabinda pendant près d’une demi-heure.
Ce mercredi 8 janvier 2020 marque la dixième année de marquant la tragédie subie par l’équipe nationale de football. Pour honorer la mémoire des victimes, une messe a été dite à Lomé, capitale économique du Togo. Cette messe solennelle est une initiative privée et elle s’est déroulée en présence des proches et familles des victimes, très loin du choc qu’avait provoqué la tragédie à l’époque.
Le 15 janvier 2010, soit une semaine après le triste événement, une cérémonie solennelle avait été organisée par l’Etat pour rendre hommage aux deux hommes qui ont rendu l’âme. Il s’agissait de Stanislas Ocloo, chargé de presse de l’équipe, et d’Abalo Amélété, entraîneur-adjoint des Eperviers. La cérémonie avait été présidée par le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, qui avait décrété trois jours de deuil national.
Il était difficile de sortir des hôtels
Faure Gnassingbé avait ordonné au reste de l’équipe de rentrer au bercail et l’avion présidentiel leur avait été envoyé dans ce but. Une situation perçue du mauvais œil par la CAF qui avait accusé le Togo d’ingérence politique dans les affaires sportives. Mais la CAF était loin de se rendre compte de l’ampleur de la tragédie ; une tragédie qui avait énormément affecté la CAN de cette année.
Les autorités angolaises avaient eu une réaction immédiate, se rappelle l’Envoyé spécial de RFI, Frédéric Suteau, qui était chargé de suivre l’équipe B de la compétition à Cabinda. Avec le déploiement de l’armée, les hélicoptères de surveillance qui survolaient la ville à longueur de journée, les policiers étaient partout. Même s’il refusait de l’avouer officiellement, le président de la République de l’époque redoutait de nouvelles attaques dans la région. Auparavant, les séparatistes du FLEC avaient mené une rude guérilla. Tout le monde avait compris qu’ils avaient l’intention de prendre le contrôle de la situation, et un climat très tendu s’est rapidement installé. Même si par la suite, aucun autre incident ne s’est produit, il était extrêmement difficile de sortir des hôtels.
Problème d’indemnisation des victimes
Dix ans après le drame, les victimes considèrent qu’ils n’avaient pas été traités à la mesure de la tragédie. Ils condamnent en premier lieu la Confédération Africaine de Football (CAF) de l’époque qui leur avait reproché de n’avoir pas pris en compte les consignes de sécurité qui exigeaient aux différentes équipes de se rendre à Cabinda par voie aérienne et non terrestre ; des consignes de sécurité que le sélectionneur des Eperviers d’alors, Hubert Velud, jure 10 années après le drame que la CAF n’avait jamais données.
Le second problème est celui de l’indemnisation des joueurs et de leurs familles. Le gardien de but d’alors de l’équipe nationale, Kodjovi Obilalé, était le seul, car grièvement blessé, à percevoir une prime d’indemnisation de 72 000 euros auprès de la FIFA.
La plus grande difficulté était de savoir de qui émanerait le paiement des indemnités : la Fédération Togolaise de Football ? L’Angola ? Les assurances ? Ou la CAF ? La réalité est qu’à l’image des autres victimes, l’ancien sélectionneur de l’équipe, Hubert Velud, a un rire jaune lorsque l’on évoque les différentes promesses de dédommagement qui avaient été faites après l’agression.
Les promesses d’indemnisations ont été criées sur tous les toits à l’époque, mais jusque-là nous n’avons rien reçu déplore le sportif. La personne mieux placée pour l’évoquer est Obilalé, car il s’en est sorti avec un handicap.
Un premier prix tardif, mais un geste louable
Kodjovi Obilalé, qui ne peut se déplacer qu’avec des béquilles, est devenu malgré lui le symbole vivant de la tragédie de Cabinda. Portant un handicap à vie, l’ancien joueur s’est vu obligé d’abandonner le football, il s’investit désormais dans le secteur agricole au Togo.
Il déclare que les joueurs ne sont pas restés soudés après le drame de Cabinda. C’est le constat que dresse l’ex-pensionnaire de Pontivy après dix années. Il y a certains avec qui il est resté en contact sur Instagram. « Nous nous écrivons souvent et prenons les nouvelles de nos familles respectives, mais nous n’évoquons jamais ce triste sujet », a-t-il précisé.
Kodjovi Obilalé se réjouit néanmoins du geste du bureau directeur de la CAF qui lui a donné un prix spécial pendant la cérémonie des CAF Awards du mardi 7 janvier 2020 qui s’est déroulé en Egypte. Un premier prix tardif, mais un geste louable.