À l’affiche du Théâtre de la Reine Blanche, à Paris, jusqu’au 21 novembre, le spectacle Tismée est l’aboutissement d’un travail complémentaire entre la chanteuse Aurélie Konaté, le percussionniste Félix Sabbal-Lecco et le compositeur Khalil Maouene. Trois parcours différents, trois timbres de voix et trois disciplines se réunissent dans un spectacle musical inventif qui mélange chant, comédie et danse.
Tismée, c’est la contraction en verlan de Mé-tisse. Et être métisse de nos jours, c’est jongler entre deux pays, entre deux cultures, entre deux couleurs. C’est être trop pâle au Sud et trop foncée au Nord; pas assez Blanche pour les uns, pas assez Noire pour les autres. C’est être « couleur café » ou bien « café au lait ». Pour le tennisman et chanteur français Yannick Noah, le métissage est « un mélange de couleurs ». Dans le spectacle Tismée, c’est un mélange de cultures.
Aurélie Konaté – remarquée en 2002 à la Star Academy puis aux Marius 2008 pour son interprétation dans le spectacle « Jo et Joséphine » – y campe une jeune métisse à la recherche de ses racines. Arrivant sur un dock de Marseille à la nuit tombée, elle y rencontre Khalil Maouene, compositeur pour chanteurs comme Assia et Julien Clerc mais aussi pour Anthony Kavanagh. Ensemble, ils attendent un bateau pour leur bien-aimée « Mama Africa ». Pour Tismée (Aurélie Konaté), l’Afrique est le continent de son père, jamais connu, toujours rêvé. Elle explique, enflammée, pourquoi elle rêve d’y partir seule. À l’inverse, pour ce jeune homme croisé sur le port, l’Afrique ne change pas, elle symbolise la famille, celle qui l’attend en Algérie pour un mariage. Mais pour rejoindre ses racines, encore faut-il trouver un bateau… C’est là qu’intervient Félix Sabbal-Lecco, brillant percussionniste et batteur entre autres pour Manu Dibango, Salif Keïta et Youssou N’Dour. Lui représente l’Africain, celui qui atomise les rêves de la jeune Tismée et reproche au jeune homme de trop s’en approcher. Celui qui accuse la France de n’être pas assez ouverte, aborde le racisme ordinaire et l’image souvent faussée que l’on a sur les autres. Et surtout, il est celui qui possède et dirige un bateau…
De la légèreté au poids des sentiments
Durant une heure quarante, ces trois interprètes jonglent à merveille entre chants, comédie et musique. Si le décor paraît minimaliste ,c’est bien parce que la mise en scène de Rubia Matignon (Piaf, une vie en rose et noir) préfère révéler les talents de chaque interprète. Le texte de Bruno Fougniès, jouant avec les mots, passe de la légèreté au poids des sentiments. Car cette double culture, Tismée la vit mal. Parce qu’elle n’est pas allée chercher ailleurs le complément de son identité, parce qu’elle idéalise ce continent inconnu, elle doit justifier son désir d’aller à la rencontre de l’Afrique à travers les douces paroles de Lùa.Jù: « Et si j’ai peur tant pis, je saisis la chance de ma vie ».
Servi par un casting de choix, Tismée est une invitation mélodique au voyage et une réflexion contemporaine sur la double culture. Avis aux amateurs de danse ! Ne manquez pas le finish d’Aurélie Konaté digne de la séquence finale du film Et Dieu créa la femme avec Brigitte Bardot. Endiablée par les percussions, secouant ses cheveux, faisant vibrer son corps sous les lumières, Mlle Konaté éblouit les spectateurs et les laisse pantois. Qu’on se le dise, la relève française de Beyoncé est bientôt assurée.