Un étudiant congolais a porté plainte contre la société gérante des droits du dessinateur Hergé pour infraction à législation sur le racisme et demande le retrait de la vente de l’album « Tintin au Congo ». Au début du mois de juillet, la Commission britannique pour l’égalité raciale avait déjà qualifié l’ouvrage de raciste.
Pour le centenaire sa naissance, les fans du célèbre dessinateur belge Hergé n’en attendaient certainement pas tant. Après la condamnation de la Commission britannique pour l’égalité raciale, l’album « Tintin au Congo » est de nouveau mis au banc des accusés pour racisme. C’est un congolais, étudiant à Bruxelles, en sciences politiques, qui a porté plainte le 23 juillet dernier devant la justice belge contre X et contre la société Moulinsart, gérante des droits de commercialisation des œuvres d’Hergé. Bienvenu Mbutu Mondondo réclame la fin de la vente de l’ouvrage et un euro symbolique de dommages et intérêts à l’éditeur.
« Je veux qu’on arrête de mettre en vente cette bande dessinée, que ce soit pour les enfants ou pour les adultes. C’est un livre raciste, rempli de propagande colonialiste », a déclaré le plaignant. « Il n’est pas admissible que Tintin puisse crier sur des villageois qui sont forcés de travailler à la construction d’une voie de chemin de fer ou que son chien Milou les traite de paresseux », a-t-il précisé. L’affaire devrait être étudiée au mois de septembre si elle est déclarée recevable par le juge d’instruction.
« Etonnés de cette polémique »
En Angleterre, la Commission britannique pour l’égalité raciale (CRE), saisie il y a quelques semaines par un consommateur, avait jugé l’ouvrage raciste et insultant. « Ce livre contient des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où « les indigènes sauvages » ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles », avait déclaré une porte-parole de la CRE. A Londres, certaines librairies avaient alors retiré l’album des rayons pour enfants pour les placer dans ceux réservés aux adultes.
« Sur le fond, nous sommes étonnés que cette polémique renaisse aujourd’hui », a réagi un représentant de la société Moulinsart. « Hergé s’était expliqué, disant qu’il s’agissait d’une oeuvre naïve qu’il fallait replacer dans le contexte des années 30, où tous les Belges pensaient faire du très bon travail en Afrique. »
« Des préjugés du milieu bourgeois »
Dans les années 70, l’auteur avait lui-même décrypté le discours positif sur la colonisation de son album : « Pour le Congo, tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : « Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là ! », etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique. »
Pour Jozef Dewitte, directeur du Centre belge pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, cette affaire relève d’un combat d’arrière garde : « Il s’agit d’une oeuvre d’art, faite par quelqu’un de décédé depuis longtemps (…) On ferait mieux de s’attaquer aux discriminations à l’embauche ou au logement ». Reste que « Tintin au Congo » est aujourd’hui encore une des œuvres les plus populaires d’Hergé, estime Marcel Wilmet, porte-parole des Studios Hergé. Pour une raison simple : « Elle plait beaucoup aux enfants. »
Par Julien Camboulives