Lilian Thuram a donné une conférence de presse mardi au Centre d’accueil de la presse étrangère à Paris. Il a répondu aux questions d’une quarantaine de journalistes sur son livre Mes étoiles noires dédié aux grandes personnalités noires de l’histoire.
L’ancien footballeur a profité de l’occasion pour défendre ses idées sur l’origine du racisme. Il a également indiqué qu’il travaillait activement à la confection d’outils pédagogiques de lutte contre le racisme, pour les élèves du primaire. Il prépare aussi une exposition contre les zoos humains de l’époque coloniale.
Que ce serait-il passé, si Lilian Thuram avait été sur le plateau d’Arte télé le 13 novembre 2008, lorsque, à l’attention de Rokhaya Diallo, le journaliste Eric Zemmour avait lancé : « Je suis de la race blanche et toi tu es de la race noire, ça se voit à la couleur de la peau » ? A l’opposé de la présidente de l’association « Les indivisibles », qui surprise par la déclaration à la fois soudaine et brutale était restée interloquée, l’ancien footballeur international aurait tout de suite renvoyé le journaliste très apprécié par l’extrême droite française dans les cordes. « C’est faux », lui aurait-il assurément répliqué.
Car, déjà connu pour son engagement politique sur des sujets liés à l’immigration, Lilian Thuram qui a mis un terme à sa carrière sportive en juin 2008 après qu’on eût détecté chez lui une malformation cardiaque héréditaire, a décidé de consacrer sa retraite à la lutte contre le racisme et les autres formes de discrimination. C’est dans cette optique qu’il a publié, en janvier dernier aux éditions Philippe Rey, Mes étoiles noires. Le livre qui deux semaines après sa parution se classait en deuxième position dans le Top 20 Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes d’essais en France, rend hommage à des personnalités noires qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Parcourir l’histoire pour déconstruire les préjugés
Mardi, au centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE) à Paris, Lilian Thuram a profité de la présentation de cette œuvre, lors d’une conférence de presse, pour revenir sur la vision de l’humanité qu’il défend.
Pédagogique, pragmatique. Comme de nombreux footballeurs noirs, Lilian Thuram a connu les supporters qui imitent les cris de singe, chaque fois qu’un footballeur noir touche le ballon. Mais il n’en veut à personne. Pour lui, si le racisme persiste dans les sociétés modernes, si 55% de la population française croit encore à l’existence des races distinctes, c’est parce qu’on a conservé dans l’éducation, des représentations de l’humanité héritées du passé.
Évoquant le cas des enfants qui, on le sait, ne naissent pas racistes, l’ancien défenseur des Bleus rappelle que ceux-ci ne se disent jamais noir ou blanc, lorsqu’ils font référence à la couleur de la peau. Ils parlent de rose, beige, marron, etc. « Blanc et noirs sont des constructions historiques. Il faut parcourir l’histoire pour déconstruire les préjugés ». D’où son livre qui valorise les grands hommes noirs du passé. « Le jour où les livres intégreront les gens de toutes les couleurs, les mentalités évolueront », pense-t-il.
Bien qu’il connaisse le poids du passé dans les problèmes actuels des jeunes issus de l’immigration en France, Lilian Thuram se refuse à toute forme de victimisation. «Au moment où on pratiquait l’esclavage dans les Antilles, il y avait le servage à Paris, et ça ne concernait pas les noirs. Esclavage et servage renvoient tous deux à la même notion, l’exploitation de l’homme par l’homme ».
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Pour lui, ce qui prime, c’est le combat pour l’avenir. « Le plus important, c’est de se demander comment s’en sortir. Il faut sortir de la réflexion sur la couleur de la peau ». Pour cela, plaide-t-il, il faut mettre en place des stratégies, pour faire émerger une société véritablement fraternelle. Et dans ce combat, l’école qui doit mettre à la disposition des élèves « des étoiles de toutes les couleurs pour faire tomber les préjugés » jouera un rôle primordial.
Thuram a refusé d’entrer au gouvernement français pour y être ministre de la diversité. Mardi, il a fait savoir qu’il rejetterait de même toute proposition d’entrée en politique. Il veut consacrer le reste de sa vie à son combat. A travers sa fondation contre le racisme, il travaille déjà à la mise en place d’outils pédagogiques à l’intention des élèves des CM1 et CM2. Il prépare également une exposition au musée du Quai Branly pour dénoncer les zoos humains de l’époque coloniale.
Commander Mes étoiles noires, de Lilian Thuram, ed. Philippe Rey, 2010.