La Cour pénale internationale a débuté l’étude des charges pesant sur Thomas Lubanga, jeudi, pour déterminer si le chef de guerre congolais sera le premier prévenu à comparaître devant elle. Il est accusé d’avoir utilisé des milliers d’enfants soldats, en 2002, dans les violences en Ituri. Pour beaucoup, les charges retenues contre lui sont insuffisantes et devraient concerner de plus hauts responsables.
La machine de la Cour pénale internationale est lancée. L’audience de confirmation des charges portées contre Thomas Lubanga Dyilo, présumé chef de guerre en Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), a débuté jeudi, à La Haye, siège de l’unique tribunal international permanent. Durant une vingtaine de jours – jusqu’au 28 novembre en théorie – l’accusation, la défense et les témoins vont comparaître afin que le procureur puisse déterminer si l’affaire Lubanga sera la première de l’histoire de la CPI. Le fondateur présumé de l’Union des patriotes congolais (UPC) est accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé et utilisé des enfants de moins de quinze ans dans ses troupes. Durant les années 2002 et 2003, l’UPC, qui aurait compté 30 000 enfants soldats, a commis les pires violences, parfois ethniques, pour exploiter cette région minière. Depuis 1997, les Nations Unies y ont recensé près de 60 000 morts et 600 000 déplacés.
Thomas Lubanga a été transféré le 17 mars dernier à destination de La Haye, depuis Kinshasa, à bord d’un avion de l’armée française. Il était alors incarcéré depuis deux jours, dans la capitale congolaise, pour sa participation à l’assassinat de neuf casques bleus en février 2005. Soutenu par le Rwanda, en Ituri, il avait pourtant réussi à se refaire une virginité et à regagner Kinshasa, dans le cadre du processus de transition qui s’achève actuellement avec les premières élections libres de l’histoire du pays. L’UPC était même devenu un parti politique.
Paix ou justice, seule alternative ?
C’est justement là où le bas blesse. La CPI, établie en juillet 2002 et saisie en mars 2004 par la RDC, pour les crimes commis en Ituri, intervient lorsque les tribunaux ne veulent ou ne peuvent pas traduire eux-mêmes en justice. Et les associations de défense des droits de l’homme, de même que la plupart des Congolais, se réjouissent que justice puisse être rendue, fusse à travers une juridiction internationale. Mais ils se demandent aujourd’hui quelle sera la marge de manœuvre de cette juridiction.
La plupart des chefs de guerre qui ont pris place depuis juin 2003 aux côtés du président Joseph Kabila, en qualité de vice-présidents, dans le gouvernement de transition, sont soupçonnés des pires atrocités à la tête de leurs milices respectives. C’est le cas du plus célèbre d’entre eux, Jean-Pierre Bemba, l’ex chef du Mouvement de libération du Congo (MLC). Il attend les résultats des présidentielles qui l’opposent au président sortant pour savoir s’il deviendra le premier magistrat du pays. Le procureur de la CPI lui-même, Luis Moreno Ocampo, a laissé paraître son embarras, face caméra, dans le dilemme consistant à favoriser la reconstruction d’un pays ou la recherche de la justice, quel qu’en soit son prix.
D’autre part, comme l’expliquent la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) et ses trois ligues en RDC, l’UPC s’est rendue coupable de nombreux autres crimes graves, « tels que des exécutions sommaires, des actes de torture et des crimes sexuels », régis en véritable arme de guerre. Des charges qui ne sont pas retenues contre Thomas Lubanga. C’est pourquoi elles « exhortent le Bureau du Procureur à continuer ses enquêtes contre [lui] et d’autres hauts responsables congolais soupçonnés de crimes internationaux ». Thomas nie tous les faits qui lui sont reprochés.