Interrogé sur Europe1 ce dimanche, le ministre français de l’immigration Eric Besson a déclaré ne pas pouvoir signer le décret d’application de la procédure de test ADN selon le délai prévu par la loi. Destinée au regroupement familial, la mesure a fédéré contre elle une opposition suffisante pour que la majorité UMP hésite désormais à l’appliquer. Le contexte est également particulièrement défavorable au gouvernement, alors que le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux est accusé de racisme.
« Dégueulasse », selon le mot resté célèbre de la secrétaire d’Etat à la ville Fadela Amara, le test ADN ressurgit dans l’actualité politique française. Le ministre de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale Eric Besson est intervenu dimanche sur la radio Europe1 pour expliquer qu’il ne signerait pas les décrets d’application de la loi, pourtant votée par le Parlement.
Son argumentation tient à « une raison simple : je ne suis pas en mesure, dans les délais impartis par la loi – le 31 décembre 2009 – de respecter l’esprit et la lettre de la loi ». Celle-ci prévoit, selon Besson, un encadrement strict de ce qui reste une expérimentation. Seule la mère de l’enfant peut, sur une base volontaire, demander des tests génétiques pour obtenir un regroupement familial. Une confidentialité absolue est requise, entend-il de plus préciser, interdisant tout fichage des données. Pour donner un exemple de l’impossibilité d’appliquer la loi en respectant cette exigence, Besson évoque les consulats, qui ne comptent pas de médecins, alors que le recours à du personnel extérieur nécessiterait un fichier de suivi. Pour cette raison, le ministre demande au Parlement de bien vouloir « reporter d’un an ou deux ans » le délai d’application de la loi.
Jean-François Copé, président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, s’est opposé ce lundi aux déclarations d’Eric Besson. Il a rappelé sur la chaîne télévisée France 2 que « lorsque la loi est votée, les gouvernements ont l’obligation de mettre en œuvre les décrets d’application ». Le Premier ministre François Fillon, au courant des intentions du ministre de l’immigration, a confirmé que le texte ne serait pas appliqué pour l’instant, annonçant une nouvelle discussion au Parlement « des conditions de mise en œuvre de ces tests ADN ». Malgré ces tensions et la perspective d’une rediscussion parlementaire, de nombreuses associations antiracistes espèrent y voir là une victoire. Le communiqué de SOS Racisme parle même de l’« enterrement » d’une initiative « populiste dont le seul but est d’associer l’étranger au fraudeur ».
Un contexte défavorable
Le cafouillage interne à la majorité UMP n’est que le dernier épisode d’une longue série de controverses, depuis le dépôt par le député UMP Thierry Mariani d’un amendement relatif aux tests ADN, dans le projet de loi sur l’immigration de 2007. Sérieusement amendée suite à la forte pression d’une partie de la société civile, la loi s’est trouvée peu à peu vidée de la majorité de sa substance, réduite à une « usine à gaz » selon les termes de Besson.
Brice Hortefeux, alors qu’il était en poste, avait stratégiquement omis de signer le décret. Suivant son exemple, Besson s’est, dès son arrivée au poste, montré très prudent. En février, il déclarait vouloir atteindre avant de promulguer la loi « la conviction absolue que tout a été fait sur le plan éthique, moral et sur celui des réalisations concrètes ». Dimanche, sur Europe1, il a même refusé de répondre à la question de savoir si l’amendement avait été une « erreur ». Le luxe de précautions avec lequel le sujet est traité au ministère de l’immigration s’explique par sa forte polémicité, et les risques qui en découlent à s’investir dans sa mise en place.
Mettre en application le texte ne pourrait que relancer la polémique sur les propos, qualifiés par beaucoup de racistes, tenus la semaine dernière par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. D’autant que, par solidarité gouvernementale, Eric Besson a dû lui apporter son soutien, le décrivant comme « humaniste » et « pétri de son histoire personnelle de catholicisme social ». A cela risquerait de s’agglomérer les critiques quant au rapprochement de l’UMP avec des partis de droite conservatrice anti-immigration, en vue des élections régionales de 2010.
De quoi relativiser l’argumentation offensive d’Eric Besson, affirmant dimanche sur Europe1 que « d’ici 10, 15 ou 20 ans », ce serait aux « historiens » de s’interroger sur l’étrange opposition de l’intelligentsia de la fin des années 2000 à une mesure parfaitement entrée dans les moeurs. Cette « émotion très palpable » aurait même, selon le ministre, « nui à l’image de la France à l’étranger ». Une critique qui s’apparente, chez Besson, à un dernier doigt d’honneur.