Le Nigeria et ses voisins se sont réunis, ce mardi, à Niamey, la capitale du Niger, pour ficeler une nouvelle stratégie qui puisse anéantir Boko Haram qui poursuit ses exactions meurtrières. L’objectif : renforcer la coopération militaire mise en œuvre fin 2014 entre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui comprend le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad.
La riposte contre Boko Haram s’organise petit à petit. Le Nigeria et ses voisins se sont réunis, ce mardi, à Niamey, la capitale nigérienne, pour trouver un moyen d’unir leurs forces contre Boko Haram, qui menace toute la sous-région. Une coopération militaire a en effet été actée fin 2014 entre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui comprend le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Mais la force régionale, composée de 700 militaires issus de chacun des quatre pays, ainsi que du Bénin, voisin du Nigeria, peine à se concrétiser.
L’objectif de cette réunion à Niamey, à laquelle participent treize pays, est de renforcer cette coopération militaire face au groupe terroriste nigérian qui continue de mener des tueries en toute impunité, provoquant le déplacement de milliers de personnes. Boko Haram, qui ne compte en effet pas s’arrêter, a pris le contrôle de vastes territoires du nord-est du Nigeria et multiplie aussi les incursions au Cameroun voisin. Parmi ceux qui ont participé à cette réunion : les ministres des Affaires étrangères ou de la Défense de six Etats africains : Bénin, Cameroun, Guinée Equatoriale, Niger, Nigeria et Tchad, et des représentants de sept autres pays : Allemagne, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Royaume-Uni. Sont aussi de la partie l’Union Européenne, de l’ONU, l’Union Africaine (UA). De même, plusieurs organisations panafricaines, la CBLT, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad) étaient également présentes, ainsi que l’Organisation de la conférence islamique (OCI).
« Nous assistons à la perte de souveraineté du Nigeria »
« Nous assistons, comme ce fut le cas au Mali, à la perte de souveraineté du Nigeria sur des pans entiers de son territoire et à l’exportation de la violence aux pays voisins », a déploré le ministre des Affaires étrangères du Niger, Mohamed Bazoum, en ouverture de ce mini-sommet. « Boko Haram a multiplié les attaques et s’est constitué un vaste territoire aux frontières de nos quatre pays qu’elle administre désormais selon ses propres règles », a estimé le chef de la diplomatie nigérienne. Selon lui, l’attaque contre la ville stratégique de Baga, dans le nord-est nigérian, qui a fait plus de 2 000 morts, témoigne particulièrement de « la puissance de feu » croissante du groupe islamiste qui dispose « de plus en plus de moyens considérables ».
« Lenteur et incapacité à une riposte »
« Cette montée en puissance traduit surtout notre lenteur et notre incapacité à lui opposer une réponse robuste », observe le ministre nigérien, pour qui « la situation sécuritaire au Nigeria et dans le bassin du lac Tchad s’est considérablement dégradée ». Selon Amnesty International, en effet, l’attaque de Baga est « la plus grande et la plus destructrice jamais perpétrée » par les terroristes nigérians depuis le début de leur insurrection, en 2009.
« Nous ne pouvons pas rester indifférents sur ce qui se passe chez nos voisins »
Boko Haram n’épargne pas non plus le Cameroun et y a lancé, dans l’extrême-nord, un nouveau raid meurtrier, dimanche dernier, enlevant une soixantaine de personnes et en tuant plusieurs autres. Une attaque qui a poussé l’armée tchadienne à se déployer au Cameroun et au Nigeria, depuis le week-end dernier, pour mettre un terme aux incursions meurtrières du groupe nigérian sur le territoire de son voisin. Le Président tchadien Idriss Deby a d’ailleurs appelé samedi à une large coalition régionale contre Boko Haram, affichant sa volonté de reprendre Baga, située sur les rives du lac Tchad. « Nous ne pouvons pas rester indifférents sur ce qui se passe chez nos voisins. Le Cameroun est la porte d’entrée et de sortie du Tchad sur le plan économique », a justifié le Président tchadien, qui a lancé un appel aux autres pays d’Afrique Centrale pour « constituer une large coalition ».
Un engagement tchadien qualifié par Mohamed Bazoum « d’évolution positive la plus significative » dans la lutte menée jusqu’à présent contre Boko Haram. La décision tchadienne est « tout à fait légitime, il fallait qu’il y ait des réactions sur-le-champ, des réactions naturelles, de légitime défense », a remarqué Hiroute Guebre Sellassie, l’envoyée spéciale des Nations Unies pour le Sahel, mardi à Dakar. D’après elle, « les choses pressent, on ne pouvait pas attendre la mise en place formelle d’une force régionale. Le Tchad défend la région, mais défend aussi le Tchad, en prenant cette initiative, parce que les risques qu’encourt le Tchad sont peut-être tout aussi graves que ceux qu’encourt le Cameroun ».
A ce jour, Boko Haram aurait tué plus de 13 000 personnes depuis 2009 et causé 1,5 million de déplacés. Le groupe terroriste s’est radicalisé sous la direction d’Abubakar Shekau connu pour sa férocité, alors qu’en 2002, à sa création, il ne s’attaquait qu’aux symboles étatiques : police, gendarmerie, commissariats… Puis le visage de Boko Haram s’est assombri, il est devenu de plus en plus agressif, puis plus meurtrier et plus sanglant, sans limite dans la barbarie…