
Le regain de tension entre la France et l’Algérie déclenché par l’arrestation d’un agent consulaire, dans le cadre de l’enquête sur la rocambolesque affaire de l’enlèvement en 2022 de l’influenceur et escroc patenté Amir DZ, a aujourd’hui des conséquences très lourdes pour les entreprises françaises désireuses de développer le marché algérien… Et qui vont devoir attendre un peu plus, pour profiter de la croissance de la première puissance économique d’Afrique du Nord. Le patronat français en pleurerait, tellement les conséquences des rodomontades de Messire Retailleau coûtent cher à la France, handicapant le renouveau annoncé des relations bilatérales.
« Lamentable », c’est le mot qui circulait aujourd’hui au Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui rassemble le banc et l’arrière-banc du capitalisme français, pour évoquer les gesticulations nationalistes de Bruno Retailleau, Ministre de l’Intérieur qui s’est fait une spécialité d’attaquer ou de mettre en cause l’Algérie, pour se bâtir un fonds de commerce politique sur l’électorat que l’inéligibilité de Marine Le Pen lui permet, croit-il, de convoiter.
En effet les entreprises françaises commencent à souffrir de ce jeu puéril et un peu ridicule par lequel un politicien en mal de visibilité se paye le luxe de fragiliser les relations économiques entre la France et son partenaire historique de l’autre rive de la Méditerranée, tantôt désavoué et tantôt secondé par un Emmanuel Macron qui ne sait trop à quel saint se vouer.
C’est ainsi que notre confrère Africa Intelligence rapporte que le patron du troisième groupe mondial de transport maritime, CMA-CGM, Rodolphe Saadé, a vu annuler sa rencontre avec le Président Abdelmadgid Tebboune, qui devait avoir lieu le 15 avril 2024, à Alger, et à l’issue duquel devait être annoncé un montant d’investissements colossaux en Algérie, de nature à faire des ports algériens une plateforme stratégique pour l’armateur français.
Las! Les intérêts économiques des entreprises françaises pèsent pour trop peu face aux rodomontades de l’élu vendéen, reprises en choeur par la chaîne d’extrême droite C-News, propriété du milliardaire Vincent Bolloré qui a lui même cédé sa filiale de logistique africaine… partiellement au groupe suisse MSC et partiellement à… Rodolphe Saadé, justement, auquel il n’est pas mécontent de savonner aujourd’hui la planche au Sud de la Méditerranée. Mesquineries politiciennes et règlements de comptes financiers font bon ménage sur les médias du très catholique et très cathodique Vincent Bolloré!
Mais Rodolphe Saadé n’est pas le seul chef d’entreprise français qui se lamente de ce nouvel épisode de tension entre la France et l’Algérie : le CREA, syndicat patronal algérien, invité en France par le MEDEF, a annulé mardi 15 avril son voyage : « Il est paradoxal que même les autorités françaises, qui expriment des préoccupations quant à la participation des entreprises françaises aux appels d’offre internationaux en Algérie, prennent des mesures qui entravent les initiatives d’investissements privés » rapporte Le Figaro citant un communiqué du Patronat. Comme si les intérêts des groupes français étaient totalement ignorés par la sphère politique, au détriment de la croissance et de l’emploi.
Et nombreux sont ceux, au MEDEF, qui s’inquiètent de cette posture irresponsable, où les haussements de menton le disputent aux provocations : tout cela n’est pas bon pour la bonne marche des affaires : les industriels italiens, espagnols et même allemands en font leurs choux gras, remplaçant allègrement les entreprises françaises qui se voient écartées sans être concernées, pourtant, par cette inflation verbale irrationnelle et… « Lamentable« , pour reprendre la litote (diplomatique) de ce grand patron français croisé ce jour dans les couloirs du MEDEF…