Les tensions entre Rabat et Paris sont telles, suite à deux plaintes déposées la semaine dernière à Paris contre le Maroc pour tortures, que le Président François Hollande a contacté lundi son homologue marocain, le Roi Mohammed VI.
Le Maroc ne décolère pas depuis la plainte déposée la semaine dernière à Paris par une ONG contre un haut responsable marocain. François Hollande, qui ne veut pas se mettre à dos son allié incontournable au Maghreb, a contacté, ce lundi, par téléphone son homologue Mohammed VI, actuellement en tournée africaine, afin d’apporter des « clarifications » et tenté d’apaiser l’atmosphère entre les deux pays, affirme le Palais.
« A la lumière des clarifications apportées (…), les deux chefs d’Etat ont convenu de poursuivre les contacts durant les prochains jours au niveau des deux gouvernements, et d’œuvrer dans l’esprit des relations d’exception qui lient le Maroc et la France », a ajouté la même source.
Hammouchi accusé de tortures
Pour rappel, l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), a annoncé jeudi dernier avoir déposé une plainte contre le patron de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), Abdellatif Hammouchi. La victime présumée est Naama Asfari, défenseur des droits de l’Homme et militant pour l’autodétermination du Sahara occidental. Condamné en 2013 à 30 ans de réclusion criminelle, le militant aurait été victime, en 2010, de traitements cruels dans les geôles marocaines. Parallèlement, l’avocat de la victime et l’ACAT ont également porté plainte contre le Maroc devant le Comité contre la torture des Nations Unies, à Genève.
L’ACAT a par ailleurs vivement réagi ce lundi en critiquant les promesses du Quai d’Orsay face au « courroux marocain », estimant que « dans une démocratie » la diplomatie n’a « absolument pas le droit de s’immiscer dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire ».
La série de plaintes déposées contre le royaume et Abdellatif Hammouchi s’est poursuivie dès le lendemain, vendredi, avec celle du champion du monde de boxe Thaïe, Zakaria Moumni. Ce dernier affirme avoir été enlevé le 27 septembre 2010, puis torturé au centre de détention de Témara pendant quatre jours. Il n’a pu regagner la France qu’après 18 mois de détention.
« Un incident regrettable »
Dans un communiqué, le Quai d’Orsay a tenté, samedi, d’apaiser la tension, évoquant un « incident regrettable » et promettant que « la lumière » serait faite. Une initiative jugée insuffisante par le Maroc qui a décidé de reporter la visite de Nicolas Hulot, « envoyé spécial du Président français pour la planète », prévue lundi et mardi.
Ce qui a fortement déplu au Palais a été la descente policière effectuée à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, Chakib Benmoussa, sans passer par les canaux diplomatiques, pour notifier à M. Hammouchi, présent à Paris la semaine dernière, une convocation émanant du juge d’instruction. Le royaume a immédiatement réagi en convoquant vendredi soir l’ambassadeur français à Rabat, Charles Fries, « pour lui signifier la protestation vigoureuse du royaume ».
Les plaintes déposées sont basées sur le principe de « compétence universelle » applicable à la convention internationale contre la torture, à partir du moment où la personne visée se trouve en France. Comment François Hollande compte-t-il calmer le jeu, sachant que le Maroc est le premier partenaire commercial de la France et que l’ACAT dénonce l’ingérence du Président français dans les affaires judiciaires en cours ?