Alors que les relations entre Paris et Alger commençaient à se réchauffer, l’affaire Amira Bouraoui vient tout remettre en cause. Frappée d’une interdiction de quitter le territoire algérien, la journaliste franco-algérienne a rallié Paris via la Tunisie. Alger proteste contre « l’exfiltration illégale » et y verrait la main de Rabat.
Militante des droits de l’Homme et journaliste, Amira Bouraoui faisait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire algérien. La Franco-Algérienne étant réputée très critique à l’égard le régime du Président Abdelmadjid Tebboune. Elle avait été interpelée par la police tunisienne, alors qu’elle tentait de se rendre en France avec son passeport français. Seulement, elle sera remise en liberté par un juge. C’est à partir de là que les choses sont par la suite allées très vite.
Amira Bouraoui regagne la France via la Tunisie
Placée sous protection du consulat français à Tunis, la journaliste s’est vite retrouvée en France. Sur Facebook, Amira Bouraoui a remercié « tous ceux qui ont fait en sorte que je ne me retrouve pas une autre fois derrière les barreaux ». Parmi ces acteurs, plusieurs ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch. Derrière ce départ du sol tunisien, des journalistes et des personnels de l’ambassade de France en Tunisie.
Sur RFI, Amira Bouraoui a déploré « les proportions que cela prenait ». « Je ne voulais pas être derrière tout cela. La question que devraient se poser les autorités, c’est pourquoi j’en suis arrivée là. J’étais sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire qui durait pendant des années qui était complètement illégale. J’étais aussi, en fait, quelque part, séquestrée dans mon propre pays », a-t-elle confié. Un retour prochain d’Amira Bouraoui en Algérie ?
Une « exfiltration » juge l’Algérie
« Dans l’immédiat, probablement pas. Si j’ai fui toutes ces répressions et toutes ces pressions ainsi que ces procès que l’on me faisait avec des chefs d’accusation farfelus, je sais que si j’y retourne maintenant, je retourne à la case prison ». L’opération est-elle une exfiltration ? C’est en tout cas l’avis des autorités algériennes. C’est ce qui justifie que le mercredi 8 février, Alger a rappelé son ambassadeur à Paris pour consultations.
Ce, après avoir appris le retour, en France, de la militante franco-algérienne. Dans une note officielle, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune « a ordonné le rappel en consultations de l’ambassadeur, Saïd Moussi, avec effet immédiat ». On apprend par ailleurs que le patron des services de renseignement algériens, M’henna Djebbar, a annulé sa rencontre avec son homologue français Bernard Emié. La rencontre entre l’officiel algérien et le patron de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure en France) devait avoir lieu à Paris.
Paris dit avoir exercé sa protection consulaire
D’ailleurs, la visite d’État en France du Président Abdelmadjid Tebboune, prévue en mai prochain, pourrait être compromise. Nous n’en sommes pas encore là. Pour l’heure, les relations entre l’Algérie et la France ne sont plus au beau fixe. En réalité, depuis la Tunisie, Amira Bouraoui risquait d’être expulsée vers l’Algérie. Pour se retrouver une nouvelle fois en prison, comme elle l’a rappelé ?
Peu importe pour les autorités françaises qui voient en leur geste une assistance à une citoyenne française en situation de danger. François Delmas, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a été on ne peut plus clair. Le diplomate a tenu à rappeler qu’il s’agissait là d’une « situation individuelle ». Non sans insister qu’Amira Bouraoui était « une ressortissante française et qu’à ce titre, les autorités françaises exercent leur protection consulaire ».
Le Maroc derrière cette affaire ?
François Delmas de préciser : « il s’agit d’une procédure qui ne ressort d’aucune manière de l’ordinaire ». A la question de savoir si cette affaire était susceptible de dégrader les relations bilatérales entre Paris et Alger, le diplomate précise : « pour notre part, nous entendons continuer à travailler à l’approfondissement de notre relation bilatérale », non sans évoquer « une décision algérienne qu’il ne m’appartient pas de commenter ».
Réagissant à cette « exfiltration » par les services français, l’Algérie accuse le Maroc de manœuvrer pour la détérioration des relations entre Paris et Alger. « Certains responsables au niveau de la DGSE, du Quai d’Orsay et certains conseillers franco-algériens, qui ne cachent pas leur amour et leur vénération pour le makhzen », sont derrière cette affaire. C’est en tout cas ce qu’a écrit l’APS, l’agence de presse officielle algérienne.