Les ministres de la Défense et de la Sécurité intérieure ivoiriens ont été désignés Vendredi après six mois de tergiversations. Ces désignations étaient attendues pour donner un second souffle au processus de paix mais ne font qu’y ajouter un nouveau blocage. Ni les Forces Nouvelles, ni le Rassemblement des Républicains ne s’y reconnaîssent.
« Le déblocage du blocage devient un autre blocage », commente Le Nouveau Réveil à propos de la désignation, vendredi, de René Amani et de Martin Bléou à la tête des ministères de la Défense et de la Sécurité intérieure ivoiriens. Cette nomination attendue depuis six mois devait permettre des avancées dans le processus de paix, en particulier sur la question du désarmement. Mais dès le lendemain de cette annonce, faîte par le Président Laurent Gbagbo, les Forces Nouvelles et le Rassemblement des Républicains (RDR) d’Alassane Ouattara ont déclaré ne pas reconnaître les ministres nommés. En théorie, le désaccord entre rebelles et RDR d’un côté et Président de l’autre n’est dû qu’à un vice de forme dont la responsabilité est difficile à imputer. Sur le terrain, il a donné lieu à une escalade verbale que le secrétaire exécutif de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Mohammed Ibn Chambas, a condamné.
Aux Forces Nouvelles qui déclaraient samedi ne pas entériner ces choix et promettaient de « tirer toutes les conséquences de cette situation à l’issue d’une prochaine réunion », le Président Gbagbo a répondu le soir même qu’il était exaspéré : « Il ne faut pas prendre la Côte d’Ivoire en otage (…) je suis fatigué des maîtres-chanteurs (…) et leur demande de passer à l’action s’ils en sont capables (…) J’ai nommé les ministres de la Défense et de la Sécurité, tu dis que tu n’es pas content : il faut donc agir (…) un homme ne fait pas de déclarations dont il ne peut pas assumer les conséquences ». Ajoutant : « Je demande à tous les patriotes de se tenir éveillés (…) d’être mobilisés et de dire assez ». Un message de paix et non un message guerrier, Alain Toussaint, le conseillé du chef de l’Etat, qui devait être « exprimé avec vigueur ».
Bataille de procédures
Les mouvements rebelles aujourd’hui réunis au sein des Forces nouvelles ont toujours assuré qu’elles acceptaient l’idée d’un désarmement, mais uniquement « auprès de personnalités en qui elles ont confiance ». Pas question donc de ministres du Front Populaire Ivoirien (FPI), le parti du Président Gbagbo, pour occuper ces portefeuilles stratégiques longtemps revendiqués par le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Mais réciproquement, pas de ministre rebelle. Afin de trancher, les partis marcoussistes ont décidé lors de la réunion d’Accra II la création du Conseil national de sécurité (CNS). Un comité composé de 15 personnalités – le Président de la République et le Premier ministre, un représentant de tous les partis signataires des Accords de Marcoussis, de la police, de la gendarmerie et de l’armée – chargées de désigner, « sur une base consensuelle », les fameux ministres.
Selon Alain Toussaint, les représentants des partis marcoussistes se sont réunis durant toute la semaine dernière afin de désigner de façon consensuelle quatre personnalités desquelles émergeraient les deux ministres. « 8, puis 6, puis 4 », explique-t-il. Ce que Georges Koffi, secrétaire national du RDR confirme. Mais les deux versions divergent sur la fonction de cette liste. Pour Alain Toussaint, les partis l’ont remis jeudi soir au Président Gbagbo en l’assurant qu’il pouvait y choisir les deux ministres. « A aucun moment », rétorque Georges Koffi, qui explique que la liste a été remise au Président afin qu’il convoque le CNS, étant seul habilité à la faire. Il revenait ensuite aux membres du conseil de les désigner et au Président de ratifier les noms. « Mais lorsque les membres du CNS ont été convoqués vendredi soir, les deux ministres étaient également sur place, présents depuis 17 heures et désignés sans débat. De plus, le Président a désigné les ministres sans tenir compte du fait que la liste contenait deux noms par postes ». « Faux débat », selon Alain Toussaint, pour qui l’essentiel est que les quatre personnalités ont toutes été choisis par le CNS.
Selon ce dernier, le ministère de la Famille, dernier portefeuille non attribué, a été attribué lundi après-midi par le RDR. Le nom du titulaire a été communiqué au Président Gbagbo afin qu’il ratifie la décision. Un acte qui signifierait que les choses ne sont pas si grave qu’il n’y paraît. Au siège du parti concerné, on ne faisait état que de rumeurs. Quant à la suite à donner à cette affaire, explique t-on, le RDR n’est pas seul et attend de voir la réaction des autres partis marcoussistes.