Human Rights Watch (HRW) a exhorté, ce vendredi, le gouvernement tchadien à « finaliser le processus de compensation » des victimes du régime de l’ancien dirigeant Hissène Habré, plutôt que de « faire taire les discussions » sur le sujet. Cette déclaration intervient après que l’avocat américain Reed Brody, venu à N’Djamena pour présenter son livre sur la « traque » judiciaire de Habré et animer une conférence sur les demandes de justice des victimes, a été arrêté et expulsé vers Paris après deux heures d’interrogatoire.
Dans son communiqué, HRW déclare : « Au lieu d’étouffer les discussions, le gouvernement devrait finaliser le processus de compensation totale aux victimes d’Habré qui souffrent depuis longtemps ». L’ONG souligne que la décision d’empêcher la tenue de la conférence montre que certains responsables gouvernementaux ignorent les critiques sur les violations passées des droits humains et ne respectent pas leurs engagements en matière de compensation des victimes.
Des indemnisations jugées insuffisantes et des promesses non tenues
En février dernier, plus de 10 000 victimes ou proches de victimes ont commencé à recevoir des indemnisations du gouvernement tchadien, conformément à une décision de justice. Une somme de 10 milliards de FCFA (environ 15,2 millions d’euros) a été allouée pour 10 700 « survivants de prisons et familles de ceux qui ont été tués sous le régime de Habré », soit environ 925 000 FCFA (1 415 euros) par victime. HRW dénonce ce montant, qui « représente moins de 10 % des sommes accordées par les tribunaux sénégalais et tchadiens ».
L’ONG critique également d’autres manquements dans le processus de réparation. Le fonds d’indemnisation créé par l’Union Africaine à la suite du procès de Dakar n’est « toujours pas opérationnel », et aucune avancée n’a été faite pour la construction d’un monument et d’un musée en hommage aux victimes.
Le lourd héritage du régime d’Hissène Habré
Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 avant d’être renversé par le père de l’actuel Président, a été condamné à la réclusion à perpétuité, le 30 mai 2016, pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvements, au terme d’un procès historique devant un tribunal spécial à Dakar. Une commission d’enquête tchadienne a estimé à 40 000 le nombre de victimes de la répression sous son régime.
Décédé en août 2021 à l’âge de 79 ans et enterré au Sénégal, Habré laisse derrière lui un bilan lourd de répressions sanglantes et de violations des droits humains, dont la persistance est encore dénoncée, aujourd’hui, par des ONG nationales et internationales. En septembre, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a rapporté une augmentation des arrestations et détentions illégales par les services de renseignement tchadiens.