Est-ce l’accord de non agression tchado-soudanais le moins crédible de l’histoire qui parviendra à mettre fin à la querelle entre les deux pays ? Les présidents Idriss Déby et Omar el Béchir ont signé à reculons, jeudi, un énième accord de ce type, alors qu’ils avaient mis en cause la nécessité de le conclure deux jours plus tôt.
« Nous nous engageons solennellement à interdire toutes activités de groupes armés et à empêcher l’utilisation de nos territoires respectifs pour la déstabilisation de l’un et l’autre de nos Etats ». C’est ce que stipule le texte lu par le chef de la diplomatie sénégalaise, Cheikh Tidiane Gadio, et signé jeudi par les présidents soudanais et tchadien. A considérer les conditions dans lesquelles cet accord de non agression a été paraphé, il faut croire qu’Omar el Béchir et Idriss Deby ne l’ont fait que pour satisfaire le président Abdoulaye Wade et ses prestigieux invités. Le chef de l’Etat sénégalais s’est mis en quatre pour obtenir la signature de l’accord, alors que Dakar accueille depuis jeudi le 11e sommet de l’Organisation de la conférence islamique, organisée à Dakar, en présence de chefs d’Etats arabes et africains, ainsi que du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon.
Les signataires pas convaincus
« Nous réitérons le respect de nos engagements pris antérieurement », ont pris soins de préciser les deux signataires, qui en sont à leur sixième accord en moins de cinq ans, pratiquement tous ratifiés sous l’égide du Guide de la révolution libyenne Mouhamar Kadhafi. L’un des derniers l’a été le 8 février 2006 et prévoyait « l’interdiction d’utiliser le territoire de l’un pour des activités hostiles contre l’autre ». Deux mois plus tard, le Tchad avait de nouveau dénoncé une « agression programmée à partir de Khartoum », suite à l’offensive sur N’Djamena du Front uni pour le changement démocratique (FUC) de Mahamat Nour, allié notoire de Khartoum. Le Soudan avait démenti toute implication.
Un autre accord avait été signé le 15 février 2007, dans le cadre du sommet Afrique France, à Cannes, impliquant même François Bozizé, le président de la Centrafrique, troisième pays constamment en ébullition dans cette zone de l’Afrique centrale. Il n’a pas tenu davantage que le précédent.
L’inconsistance de ces accords à répétition a été dénoncée dès mardi par le président Omar el Béchir, en déplacement à Dubaï, qui mettait en doute l’opportunité d’en conclure un nouveau. Il avait d’ailleurs prétexté un mal de tête pour fausser compagnie au président Wade et ses observateurs internationaux, jeudi matin, qui l’attendaient pour la cérémonie de signature de l’accord. Quant au Tchadson gouvernement a annoncé jeudi midi « que le Soudan a lancé mercredi 12 mars 2008 plusieurs colonnes fortement armées contre » lui. Une accusation démentie par Khartoum ainsi que par les forces armées françaises.
Pour nombre d’observateurs, pour le député d’opposition Ngarlejy Yorongar, qui l’a répété ce mardi, à Paris, ou encore pour le président français, Nicolas Sarkozy, seul un « dialogue inclusif » mettant dans un premier temps fin au conflit interne au Tchad pourrait permettre d’apaiser les tensions entre les deux pays.
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