Tchad : que révèle la chute d’un général cousin du président ?


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Mahamat Idriss Déby Itno
Mahamat Idriss Déby Itno

Abdelrahim Bahar Mahamat Itno, cousin du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, a été rétrogradé et radié de l’armée pour « faute grave ». Cette sanction, suivie d’une déclaration publique fustigeant le pouvoir, révèle une lutte interne au sein du régime et soulève des questions sur la stabilité du Tchad.

La nouvelle a secoué N’Djamena et bien au-delà : Abdelrahim Bahar Mahamat Itno, général cinq étoiles et cousin germain du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, a été brutalement rétrogradé au rang de simple soldat de 2e classe, avant d’être radié de l’armée pour « faute grave ». Derrière cette sanction spectaculaire se cache une dynamique complexe, mêlant tensions familiales, luttes de pouvoir, rivalités économiques et enjeux géopolitiques. Décryptage d’un événement aussi symbolique que stratégique.

Un règlement de comptes familial ?

Ce n’est pas la première fois qu’un membre du clan Itno est publiquement sanctionné. Mais la sévérité de la sanction infligée à Abdelrahim Bahar Mahamat Itno, jusqu’alors l’un des plus hauts gradés de l’armée tchadienne, interpelle. Son message vocal, largement relayé sur les réseaux sociaux, dans lequel il fustigeait la « corruption » du pouvoir et appelait sa propre famille à renverser le régime, a fait l’effet d’une bombe. Cette déclaration publique de défiance témoigne d’un malaise grandissant au sein du clan présidentiel. Plusieurs de ses membres, naguère tout-puissants, se sentent aujourd’hui marginalisés, voire dépossédés de leurs leviers économiques traditionnels. La redistribution des cartes semble avoir provoqué de profonds ressentiments.

À travers cette sanction, Mahamat Idriss Déby Itno ne s’adresse pas seulement à son cousin. Il envoie un message clair à toute la chaîne de commandement militaire : aucun manquement à la loyauté ne sera toléré, même au sein du cercle familial. Cette politique de rigueur s’inscrit dans une logique de consolidation du pouvoir, alors que le président, encore jeune et héritier d’une transition difficile, cherche à affirmer son autorité sur un appareil sécuritaire historiquement fragmenté. La radiation du général Itno devient ainsi un symbole fort de sa volonté de maîtrise totale sur les forces armées.

Des répercussions au-delà de N’Djamena

La guerre civile au Soudan voisin, notamment au Darfour, exacerbe les clivages communautaires au Tchad. Certains militaires tchadiens, partageant des origines ethniques avec les factions soudanaises, pourraient être tentés de changer de camp. Le pouvoir a d’ailleurs récemment publié un décret menaçant de déchéance de nationalité les soldats qui rejoindraient les rangs ennemis. En ciblant un officier de haut rang, issu du noyau familial, le président veut couper court à toute tentative de défection ou de collusion. C’est une stratégie de dissuasion, mais aussi de recentrage idéologique, dans une armée tiraillée entre fidélité clanique et loyauté institutionnelle.

Le Tchad est aujourd’hui à un tournant. La fragilisation des équilibres internes, aggravée par les conflits régionaux, pousse le régime à resserrer sa garde. Mais cette méthode autoritaire pourrait produire l’effet inverse : alimenter les frustrations au sein des forces de défense et de sécurité. Car si l’exemple d’Abdelrahim Itno est censé asseoir l’autorité présidentielle, il révèle aussi un pouvoir inquiet, en proie à des divisions internes profondes. La défiance grandissante d’une partie de l’armée et la multiplication des mesures disciplinaires témoignent d’une instabilité latente qui pourrait bien s’aggraver.

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