Des hommes en armes mènent depuis dimanche au Tchad des offensives pour gagner la capitale N’djamena. Ces « rebelles », soutenus par le Soudan selon les autorités tchadiennes, affirment avoir déjà pris Haraz Manguegne, Koukou et Mongo, à moins de 400 km de la capitale. Mais le pouvoir indique que Mongo est toujours sous son contrôle.
La ville de Mongo est-elle aux mains du pouvoir ou des « rebelles » ? Difficile de savoir, tant les déclarations se suivent et se contredisent. Ce lundi, le ministre tchadien de la Défense, Bichara Issa Djadallah, a annoncé que « la ville de Mongo est sous contrôle de l’armée tchadienne depuis 19h00 hier (mardi) soir. Des hélicoptères de l’armée ont attaqué les positions des rebelles dans la région de Bitkine (60 km à l’ouest de Mongo). Les rebelles se sont dispersés dans la région et, depuis ce matin, l’armée tchadienne les poursuit. (…) Le plan des rebelles est suicidaire, ils sont encerclés de partout ». Un membre du bureau exécutif du Front uni pour le changement (FUC, rébellion), Abdoulaye Abdelkerim, a pour sa part expliqué : « Mongo n’a pas été reprise par l’armée tchadienne, c’est complètement faux. Un hélicoptère de l’armée tchadienne a bien bombardé hier (mardi) soir la ville mais une partie de nos forces se trouve toujours actuellement à Mongo. Nos forces n’ont pas été dispersées. Nous sommes plus près de N’Djamena qu’hier ».
Le FUC derrière l’attaque du camp de réfugié Goz Amer ?
La tension monte depuis plusieurs semaines au Tchad. Le gouvernement a annoncé avoir déjoué un coup d’Etat le 14 mars. Le 23 mars, le Président Idriss Deby Itno avait affirmé qu’il était parvenu à faire revenir le calme dans l’Est du pays, après avoir muselé la rébellion du Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie. C’était sans compter le FUC, qui tente depuis six mois d’atteindre la capitale N’djamena. Mais la coalition de groupes rebelles, notamment constituée d’officiers qui ont déserté l’armée, semble avoir radicalisé ses intentions, à l’approche de la présidentielle du 3 mai prochain. Dimanche, le groupe a lancé une offensive sur la garnison d’Haraz Manguegne (près de la frontière centrafricaine) et, lundi, c’était au tour de Koukou (Est) de tomber. Mardi, on rapportait que plusieurs centaines de membres du FUC avaient pris Mongo et se dirigeaient vers Ati, qui se trouve sur l’axe principal reliant N’djamena à Abéché. Le ministre de la Justice indique que des renforts étaient chargés d’intervenir sur les différents fronts ouverts par le FUC.
Le gouvernement impute à ce même mouvement l’attaque, lundi, du camp de Goz Amer, où vivent quelque 17 700 réfugiés du Darfour (Soudan) sous tutelle du Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies, lors de laquelle un gardien de sécurité a perdu la vie. Là encore, le FUC nie en bloc. « Le Front Uni pour le Changement dément catégoriquement l’information selon laquelle, ses forces auraient attaqué un camp de réfugiés dans quelque région ou zone que ce soit », assure, dans un communiqué daté du 11 avril, le porte-parole Albissaty Saleh Allazam, qui assimile les allégations à des « manipulations ».
Le Soudan derrière ces attaques ?
N’djamena n’en veut pas qu’au FUC. Le ministre de l’Administration territoriale, Mahamat Ali Abdallah, interrogé par la BBC, a ainsi identifié les attaquants : « Ce sont des petits groupes – des bandits, des mercenaires – sous le commandement du gouvernement soudanais, qui viennent pour notre campagne électorale. Rien de plus, rien de moins ». Le Soudan, contre qui le Tchad avait déclaré en décembre l’état de guerre après une offensive sur ses terres de rebelles tchadiens basés au Darfour, a démenti ces accusations.
Le Secrétaire général des Nations Unies s’est déclaré, par la voix de son porte-parole, « très préoccupé par l’intensification, observée récemment, des combats le long de la frontière orientale du Tchad avec la région soudanaise du Darfour et du débordement des confrontations armées aux frontières sud de la République centrafricaine ». Kofi Annan note que « la recrudescence de la violence est aggravée par les tentions politiques au Tchad et que sa propagation compromet les efforts internationaux visant à contribuer à la stabilisation des situations dans les régions voisines, au Darfour et en République centrafricaine ». Quant à l’agence en charge des réfugiés, elle a retiré son personnel de Koukou et de Goz Beida.