Tchad : pourquoi la grève de l’UST était inévitable


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Les travailleurs du secteur public, en grève depuis deux mois, ont décidé de suspendre leur mouvement pour laisser le temps à la médiation engagée par les chefs religieux d’aboutir à un règlement du conflit. Comment en est-on arrivé là ?

La grève de l’Union des syndicats du Tchad (UST) est une illustration de plus des dysfonctionnements au sommet de l’Etat tchadien dans les relations avec les partenaires sociaux.

La mauvaise foi

Le gouvernement accepte de discuter, de négocier et de conclure des accords. Au cours de la mise en œuvre de ces accords, il feint d’en ignorer certaines closes ou il les récuse. Le président de la République et son gouvernement prétendent ignorer les engagements signés par leurs mandants (ministres, directeurs et autres chefs de service).

Les exemples sont nombreux :

 accords avec la Banque mondiale en vue de l’exploitation du pétrole,

 mise en œuvre de nombreux accords entre le Gouvernement, et les mouvements de rébellion armée (FUC, MDJT, MDD, FSR, etc),

 non application de l’Accord politique du 13 août entre les partis politiques de la majorité présidentielle et les partis politiques de l’opposition démocratique (CPDC, etc).

Démarche autoritaire, dérive autocratique au sommet de l’Etat

Alors qu’un comité paritaire de suivi était prévu dans le protocole d’accord, le ministère des Finances a décidé unilatéralement de la fixation des salaires. D’où cette augmentation insignifiante des salaires (1000 francs CFA– 2000 francs CFA), voire parfois des baisses salariales.
Le gouvernement n’accepte pas d’observation sur ces décisions, et encore moins de contestations, ni de remises en cause.

Sur le calcul des augmentations des salaires : la valeur du point d’indice devait augmenter de 20% des 300 convenus pour l’année 2012. Alors que ce point était en passe d’être résolu, le gouvernement a remis en cause le procès-verbal du comité mixte paritaire du 17 mai 2011 qui était antérieur à la négociation et la signature du protocole du 11 novembre 2011.

Pour débloquer la situation, il faut revenir à l’esprit et à la lettre des accords conclus. Il faut réunir le comité de suivi paritaire prévu au point 4 du protocole du 11 novembre 2011, approuvé et contresigné par les ministres des Finances et de la Fonction publique.

Le gouvernement doit éviter toute fuite en avant, toute instrumentalisation de la justice. Il doit éviter de faire condamner les dirigeants syndicaux qui ont simplement dénoncé le népotisme réel que pratiquent les plus hautes autorités de l’Etat.

Il va sans dire que toutes les personnes poursuivies dans le cadre de ce dossier bénéficient du soutien actif de la quasi-totalité des acteurs politiques (toutes tendances confondues), des organisations de la société civile, dans toutes les régions et toutes les confessions religieuses.

Les travailleurs tchadiens n’accepteront pas la condamnation de leurs dirigeants par une justice aux ordres. Il nous revient que d’intenses tractations se sont déroulées entre le Premier ministre, le ministre de la Justice et le président de la Cour suprême pour trouver des arguments susceptibles d’habiller une éventuelle interdiction de l’UST.

Une telle forfaiture serait inacceptable. Les travailleurs ainsi que ceux qui les soutiennent ne resteront pas les bras croisés.
D’ailleurs, une dissolution de l’UST n’entraînera pas celle des syndicats affiliés qui pourront alors déclencher des actions sectorielles plus vigoureuses : on ne sera pas loin de la chienlit.

Abdelkerim Fidel Moungar, ancien Premier ministre élu par la Conférence nationale souveraine

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