Le festival Fest’Africa se délocalise pour fêter ses 10 ans d’existence. Depuis le 24 octobre, il a quitté Lille, en France, pour N’Djamena, au Tchad. Dans ce cadre, et jusqu’au 2 novembre, la ville tchadienne devient capitale des lettres africaines en accueillant le Congrès des écrivains d’Afrique et des diasporas qui n’avait pas eu lieu depuis 1959. Une première pour le pays, à tous les niveaux.
Tchad ya guelbi. « Tchad mon amour ». C’est le titre de la vaste fresque, interprétée par une centaine d’artistes, qui a ouvert le festival pluriculturel Fest’Africa, vendredi dernier à N’Djamena. C’est aussi le cri de tendresse lancé à son pays natal par l’organisateur de Fest’Africa, manifestation qui se déroule depuis 10 ans à Lille, dans le nord de la France. Il y a deux ans, lorsque Nocky Djedanoum a annoncé sa volonté de délocaliser son festival dans la capitale tchadienne en 2003 tous lui ont prédit l’échec. Mais il a tenu bon. Et il eu raison.
« J’ai voulu fêter cet anniversaire ici, faire un festival dans ce pays ravagé par la guerre où la violence est partout », explique-t-il. « Je l’ai appelé ‘Fest’Africa sous les étoiles’ en référence au grand écrivain tchadien Joseph Brahim Seïd qui a écrit Au Tchad, sous les étoiles. C’était un visionnaire. En 1963, il avait tout dit sur les guerres à venir au Tchad. » Le festival, pluridisciplinaire, accueille depuis le 24 octobre musiciens, réalisateurs, danseurs, plasticiens, dessinateurs… avec un grand nombre d’expositions et de spectacles gratuits.
Le Congrès des écrivains d’Afrique et des diasporas
Le point d’orgue de la manifestation est le Congrès des écrivains d’Afrique et des diasporas qui s’est ouvert lundi. « Le dernier congrès de ce type s’est déroulé à Rome en 1959. Le précédent s’était tenu à Paris trois ans plus tôt. Personne ne pensait qu’un tel congrès puisse se tenir à N’Djamena », jubile Nocky Djedanoum. Une soixantaine d’auteurs, de l’Afrique noire et du Nord, francophone et anglophone, ainsi que des Caraïbes, vont réfléchir sur le thème « Paix et guerre : l’engagement en question ». Ils seront encadrés par un comité scientifique présidé par l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane.
Fest’Africa innove également en créant le Prix Ken Saro Wiwa, en hommage à l’écrivain nigérian assassiné en 1995, qui récompensera un auteur ou un journaliste africain pour son engagement et son combat en faveur de la liberté d’expression et son rôle dans le processus de démocratisation en Afrique. Nocky Djedanoum a choisi le Tchad pour « souffler dix bougies dont chacune porte en elle autant d’étoiles créatrices » et « jeter une passerelle entre l’Afrique, l’Europe et le reste du monde ». Il offre ainsi à la capitale l’événement le plus important qui lui ait été donné d’accueillir. Son challenge après le 2 novembre, date de la clôture, sera d’installer le projet dans la durée, pour « permettre aux artistes tchadiens d’exister ». La manifestation pourrait devenir biennale avec un prochain Fest’Africa en novembre 2005. Mêmes lieux, mêmes étoiles.