Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a surpris le paysage politique en prenant une décision qui pourrait marquer un tournant important. Il a libéré 23 proches de Yaya Dillo, un opposant emblématique tué en février dernier.
Ce geste, effectué à quelques jours de sa cérémonie d’élévation au rang de maréchal, soulève de nombreuses interrogations. Mais que cache cette initiative dans un contexte politique tendu ?
Un geste entouré de questionnements
Jeudi 19 décembre, Mahamat Idriss Déby Itno a ordonné la libération de 23 militants, pour la plupart affiliés au Parti socialiste sans frontières (PSF). Ces détenus, arrêtés lors de l’assaut ayant coûté la vie à leur chef, Yaya Dillo, avaient passé des mois dans des conditions qualifiées d’inhumaines. Selon des sources familiales, certains sortent de détention en état de grande faiblesse qui nécessite des soins médicaux urgents.
Cependant, cette libération n’a pas été officiellement confirmée par les autorités. Or, elle coïncide avec une date clé : la cérémonie d’élévation du président au rang de maréchal. Ainsi, cette simultanéité alimente les spéculations sur les réelles motivations derrière ce geste.
Le poids de l’héritage de Yaya Dillo
Yaya Dillo, ancien président du PSF et membre influent du clan zaghawa, partageait des origines avec Mahamat Idriss Déby Itno. Sa mort, survenue lors d’un assaut controversé des forces armées, a intensifié les tensions entre le pouvoir et l’opposition. Le PSF considère cet incident comme un assassinat, dénonçant un tir à bout portant contre leur leader.
La détention des proches de Dillo, perçue comme une tentative d’intimidation, avait été vivement critiquée. Amnesty International, entre autres, avait dénoncé ces arrestations et exigé le respect des droits humains.
Des détentions sous des conditions déplorables
Ces militants, emprisonnés à Koro Toro, une prison isolée au cœur du désert, ont subi des conditions éprouvantes. Plusieurs rapports, notamment d’Amnesty International, évoquaient des détentions « au secret » accompagnées d’abus systématiques. Parmi les détenus figuraient même trois enfants.
Bien qu’un procès en juillet ait abouti à l’acquittement de 15 d’entre eux, leur libération n’avait jamais été mise en œuvre. Cette longue attente avait alimenté les critiques. Les proches ont dénoncé le manque de transparence dans le traitement des prisonniers.
Une démarche politique ou humanitaire ?
Cette libération semble avoir des implications politiques évidentes. À l’approche des élections provinciales et législatives, le pouvoir cherche peut-être à apaiser les tensions avec l’opposition. En effet, ce geste pourrait constituer une tentative d’assouplir le climat politique.
Cependant, cette initiative reste partielle. Le secrétaire général du PSF, Robert Gam, et d’autres membres influents du parti demeurent emprisonnés. Par ailleurs, des actes d’intimidation contre le PSF persistent, ce qui souligneles défis persistants liés aux droits humains et au dialogue politique.
Une stratégie avant les échéances électorales ?
En procédant à ces libérations, Mahamat Idriss Déby Itno envoie un message ambigu. Ce geste, présenté comme humanitaire, intervient dans une période où son autorité est étroitement surveillée par les électeurs et la communauté internationale.
Néanmoins, le boycott annoncé des élections par le PSF et d’autres partis d’opposition montre que la méfiance persiste. Dès lors, la question demeure : cette libération représente-t-elle un tournant politique ou une manœuvre opportuniste visant à soigner son image ?