Depuis le début de la crise au Darfour voisin, l’Est du Tchad accueille aujourd’hui plus de 230 000 réfugiés dans 12 camps répartis le long de la frontière. La situation des enfants est particulièrement préoccupante.
Si la situation humanitaire des réfugiés soudanais semble stabilisée, le grand défi, depuis le printemps 2006, est l’afflux massif de déplacés internes tchadiens, notamment dans la région de Goz Beida, qui fuient les attaques de milices tchadiennes et de Janjaweed (milices arabes soudanaises). Au coeur de la tourmente : les enfants. Le docteur Bechir Aounen, de l’Unicef-Tchad, fait le point.
Afrik : Quelle est la situation des enfants dans les camps de réfugiés soudanais, en ce qui concerne la nutrition et l’éducation ?
Bechir Aounen : La situation nutritionnelle des réfugiés a connu une nette amélioration par rapport à ce qu’elle était au début de la crise, en 2004. La plus récente enquête nutritionnelle représentative remonte à novembre 2006 et rapporte un taux de malnutrition aigüe global de 8%. Il faut noter à titre comparatif que le taux de malnutrition aigüe global en 2004 avoisinait les 40 % et, qu’au niveau national, il est estimé a 15%. Dans le domaine de l’éducation, 62 700 enfants réfugiés sont inscrits dans 75 écoles reparties dans les 12 camps, soit environ un taux de scolarisation de l’ordre de 85%. Neuf cent quatre vingt un enseignants ont été formés et des fournitures et équipements scolaires livrés aux différentes écoles.
Afrik : Les réfugiés se plaignent d’une insécurité récurrente, affecte-t-elle aussi les enfants ?
Bechir Aounen :L’insécurité affecte les enfants de plusieurs façons : d’abord parce que certains perdent leur parents ou des membres de leur famille et se trouvent dans la situation « d’enfants séparés et/ou non accompagnés ». Même lorsqu’ils ne perdent pas leurs parents, ils vivent une situation de stress et, parfois, sont affectés par des troubles psychologiques. Enfin, et malgré les efforts de sensibilisation, les enfants sont souvent victimes d’engins non explosés.
Afrik : Depuis mars 2006, l’Est du Tchad doit faire face à un afflux de déplacés tchadiens. Quelle est la situation sanitaire et nutritionnelle des enfants déplacés ?
Bechir Aounen :A l’opposé des réfugiés, il n’ y a pas eu d’enquête nutritionnelle représentative conduite dans la communauté des personnes déplacées. Les données existantes sont donc parcellaires et incomplètes. Néanmoins, elles tendent à montrer que la situation nutritionnelle dans cette communauté est dans l’ensemble similaire à celle des réfugiés, avec un taux de malnutrition aigüe globale de l’ordre de 9% dans la zone de Goz Beida, qui abrite la majorité des personnes déplacées. La situation varie d’une zone à l’autre et demeure sujette à une rapide détérioration compte tenu de l’effet combiné de l’instabilité sécuritaire et des pics d’insécurité alimentaire, surtout pendant le saison des pluies. Il convient donc de maintenir un niveau adéquat d’informations qui permette d’anticiper de telles détériorations. Plusieurs activités sanitaires et nutritionnelles sont développées : il s’agit entre autre de la vaccination des enfants, la supplémentation en vitamine A, le déparasitage, la surveillance et la prise en charge nutritionnelle, la lutte contre les épidémies (hépatite E, méningite, choléra), la lutte contre le paludisme… L’ensemble de ces activités ont conduit à une situation sanitaire et nutritionnelle que nous jugeons acceptable.
Afrik : La plupart des familles de déplacés ont fui leurs villages incendiés, les enfants, comme leurs parents, doivent être affectés psychiquement. Une prise en charge psychologique est-elle prévue sur place ?
Bechir Aounen : Nous disposons de peu de données sur ce problème mais les service de santé sont en mesure d’apporter un début de réponse en cas de problème de ce genre et peuvent référer si nécessaire vers des services spécialisés.
Afrik : L’Unicef gère cette situation humanitaire dramatique à l’Est, mais est aussi présente dans le reste du pays, où les enfants rencontrent également de nombreux problèmes. Quelles sont les principales régions sur lesquelles travaille l’Unicef en dehors de l’Est et quels sont les principaux programmes mis en place ? Comment fait-on pour gérer les deux situations à la fois ?
Bechir Aounen : Le programme de l’Unicef pour la période 2006-2010 couvre cinq régions (Ouaddai , Waddi Fira, Guera, Mayo Kebi Est, Tangile) avec une population totale estimée à 2 900 000 de personnes, soit environ 32% de la population totale. Cinq secteurs prioritaires sont pris en compte dans ce programme : éducation, protection des enfants, santé et nutrition, approvisionnement en eau, hygiène et assainissement, ainsi que lutte contre le VIH /sida. Certains secteurs interviennent au-delà des cinq régions. C’est la cas pour la vaccination, qui couvre l’ensemble du pays.
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