Non seulement la rébellion armée tchadienne est sortie divisée de sa dernière offensive manquée sur N’Djamena, mais de surcroît les clivages qui la minaient lui ont coûté la victoire finale. C’est ce qu’a affirmé vendredi l’ex-porte parole des Forces rebelles unifiées, Abderrahmane Koulamallah. Il garde néanmoins confiance dans la capacité de la nouvelle coalition à renverser Idriss Deby.
« L’opposition a fait une erreur historique en ne désignant pas un chef unique avant d’aller sur N’Djamena ». C’est ce qu’a déclaré l’ancien porte-parole de la coalition des mouvements rebelles armés tchadiens, ce vendredi, pour expliquer l’échec de leur tentative de renversement d’Idriss Deby au début du mois de février dernier. Non seulement Abderrahmane Koulamallah confirme l’implosion de la coalition à la sortie de son offensive, mais il apporte des détails sur la façon dont son « manque de cohésion » lui aurait coûté la victoire.
« Nous avions pris N’Djamena. Nous avions pris la radio nationale », poursuit-t-il. Mais les chefs qui composaient la coalition ont discuté durant « des réunions de 3 à 4 heures, au détriment du terrain », pour déterminer qui s’adresserait à la population. « On était obnubilé par le pouvoir alors qu’on ne savait pas quelle était la réalité du terrain ».
Divisions ethniques
Selon l’ancien ministre tchadien, proche conseiller d’Idriss Deby, même lorsque les forces gouvernementales les ont repoussés dans les faubourgs de la capitale, les mouvements rebelles avaient encore les moyens de remporter la bataille. « Nous étions en manque de munitions mais pas à court. Mais les chefs ont commencé à jauger leurs forces – avec une UFDD « très forte » et un RFC affaibli. Cela a été une décision politique de ne pas prendre N’Djamena ».
Fin février dernier, les Forces rebelles, qui avaient unifié leur commandement un mois plus tôt, ont annoncé la fin de leur entente, en même temps que la recomposition d’une nouvelle coalition, l’Alliance nationale, dirigée par le général Mahamat Nouri. Son mouvement, l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), ainsi que l’UFDD Fondamentale (UFDD-F) d’Abdelwahid Aboud Makaye, ont vu le Front pour le salut de la République (FSR) d’Ahmat Soubiane les rejoindre. De son côté, le Rassemblement des forces pour le changement (RFC) des frères jumeaux Timan et Tom Erdimi, neveux d’Idriss Deby, les a quittés. Selon des sources rebelles, ces deux derniers n’auraient pas accepté de laisser Mahamat Nouri, un gorane, l’ethnie d’Hissène Habré, diriger le pays.
Reprendre les armes
« A Moudeïna (frontière soudano-tchadienne), nous avons compris qu’il n’était pas possible de continuer sans prendre un chef, explique aujourd’hui Abderrahmane Koulamallah. Un consensus s’est fait autour de Nouri. Mais pas un consensus tribal. L’UFDD représente la plus grosse force politique et militaire, il était normal qu’elle puisse diriger l’Alliance », estime-t-il.
Dans la constellation de « mouvements », « unions » et « rassemblements » rebelles qui peuplent le Tchad, parler de « manque de cohésion » est un euphémisme. Aberrahmane Koulamallah, dont le mouvement avait lui-même rejoint le RFC, a annoncé vendredi qu’il se désolidarisait de ce dernier pour rejoindre l’Alliance nationale, « seule à même de pouvoir mener la lutte contre le régime tchadien ». D’après lui, la rébellion a infligé des pertes humaines, en plus des pertes matérielles, que les forces gouvernementales ne pourront pas surmonter de si tôt. Et à défaut d’aller à des « négociations inclusives », que le président tchadien refuse, la guerre ne tardera pas à reprendre.
Les jumeaux Erdimi partis pour rejoindre la famille
La seule inconnue concerne l’attitude de la France, qui a aidé Deby à sauver son régime et que les rebelles appellent à intervenir de manière constructive. « La France nous a bernés – en gagnant du temps au palais présidentiel puis à l’aéroport de N’Djamena – et nous avons été extrêmement naïfs de la croire. Mais je peux vous dire que cela ne se reproduira plus », assure Koulamallah, tout en jugeant que Paris va finir par changer d’attitude vis-à-vis des rebelles.
Le RFC, après une rencontre avec des émissaires du gouvernement tchadien, mi-mars, serait prêt à négocier avec N’Djamena. Il poserait quatre préalables, selon un responsable du mouvement interrogé par l’AFP : des pourparlers organisés à l’étranger, l’indemnisation de tous les combattants du RFC, un partage du pouvoir et la convocation d’un « forum national » regroupant toutes les forces politiques tchadiennes pour trouver une solution définitive à la crise. Les négociations pourraient bientôt débuter à Tripoli.