Tchad : le journaliste Olivier Monodji inculpé pour intelligence avec une puissance étrangère


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Drapeau du Tchad
Drapeau du Tchad

Le journaliste tchadien Olivier Monodji, directeur de publication de l’hebdomadaire Le Pays et correspondant de RFI au Tchad, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt, lundi 10 mars, par le tribunal de grande instance de N’Djamena. Il est accusé d’« intelligence avec une puissance étrangère », de « complot contre l’État » et d’« atteinte à la sécurité nationale ». Trois autres personnes, dont un journaliste du service public, sont également poursuivies dans cette affaire.

Olivier Monodji avait été interpellé le 5 mars et placé en garde à vue à la Coordination de la police judiciaire à N’Djamena. Jusqu’au 10 mars, les motifs de son arrestation n’avaient pas été officiellement communiqués. Lors de son audition par le procureur de la République, il lui a été notifié qu’il était soupçonné d’avoir transmis des informations sensibles relatives à la sécurité et à l’économie du pays à une puissance étrangère. Selon certaines sources relayées par le média tchadien Alwihda Info, la Russie serait la puissance en question. Toutefois, aucune confirmation officielle n’a été apportée à ce sujet.

Des charges lourdes et une instruction judiciaire

Le procureur de la République, Oumar Mahamat Kedelaye, a déclaré que « les faits reprochés sont constitutifs d’infractions : intelligence de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique du Tchad, à ses intérêts économiques, complot contre l’État et complicité ». Ces accusations sont passibles de peines allant de 20 à 30 ans de prison, selon le Code pénal tchadien.

Après une audition devant le doyen des juges d’instruction, Olivier Monodji et les trois autres accusés ont été placés sous mandat de dépôt et transférés à la maison d’arrêt de Klessoum. L’enquête judiciaire se poursuit pour déterminer les responsabilités de chacun des mis en cause.

Un dossier « vide » selon la défense

Les avocats d’Olivier Monodji contestent ces accusations, estimant qu’aucune preuve tangible n’a été avancée par les autorités. « À la police judiciaire, on ne lui a présenté que des coupures de presse issues de son journal, qu’il assume avoir publiées, mais qui ne contiennent que des informations à caractère publicitaire », a déclaré Me Amos Allahta, un de ses avocats.

Le président de l’Union des journalistes tchadiens (UJT), Abbas Mahamoud Tahir, dénonce une atteinte à la liberté de la presse et appelle à la mobilisation. « Pour nous, c’est un délit de presse parce que les articles ont été publiés par voie de presse. Nous ne voyons pas d’intelligence avec l’ennemi et qui est l’ennemi dans cette affaire. Nous demandons le respect des procédures », a-t-il lancé. Avant d’enchaîner : « Nous allons suivre l’affaire jusqu’au bout. Je demande à tous les journalistes d’être mobilisés comme aujourd’hui pour soutenir nos confrères et obtenir leur libération ».

Un climat tendu pour la presse tchadienne

Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de pression sur les médias au Tchad. Les journalistes sont régulièrement confrontés à des arrestations et à des poursuites judiciaires lorsqu’ils enquêtent sur des sujets sensibles. Des organisations de défense de la liberté de la presse, à l’instar de Reporters sans frontières (RSF), pourraient être amenées à réagir face à cette inculpation, qui relance le débat sur les limites imposées aux journalistes dans l’exercice de leur mission d’information. Pour l’instant, Olivier Monodji et ses co-prévenus restent détenus à la maison d’arrêt de Klessoum, en attendant les conclusions de l’instruction.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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