La semaine dernière, une série d’opérations militaires menées dans la région du lac Tchad par l’armée tchadienne a permis l’arrestation de 44 membres présumés de la secte Boko Haram. Ceux-ci ont été retrouvés morts dans leurs cellules. Si la société civile a émis des réserves sur les faits, la Commission nationale des droits de l’Homme a décidé d’ouvrir une enquête.
Le médecin légiste, commis par le procureur de la République, a transmis un rapport d’autopsie qui a conclu une mort collective des détenus. Elle serait survenue à la suite de consommation de substance létale responsable de troubles cardiaques. D’autres complications ont été mentionnées dans le rapport d’autopsie et feront l’objet d’analyses et d’enquêtes.
La société civile demande que soient effectuées des analyses idoines pour expliquer ce qui s’est réellement passé. Par conséquent, la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) a également ouvert une enquête sur le décès des 44 prisonniers, retrouvés morts dans leurs cellules dans la nuit de jeudi à vendredi.
Pas de preuve de suicide collectif ou d’assassinat
Le président de la CNDH, Djidda Oumar, juge inquiétant le décès de personnes dans une prison. « Ce n’est pas parce que ces gens sont des terroristes qu’on les tue », a-t-il ajouté. Selon lui, si cette mort collective était décidée par l’armée tchadienne, celle-ci aurait tué les assaillants en brousse. Par conséquent, « il n’y a rien qui prouve aujourd’hui qu’il y a eu suicide collectif ou assassinats… ». La fin des enquêtes permettra d’apporter les réponses idoines à cette question.
Pour l’heure, l’établissement des responsabilités constitue le principal objectif de l’organe du gouvernement en charge de la protection des droits de l’Homme. Elle ne remet toutefois pas en cause les conclusions fournies par le médecin légiste dans son rapport d’autopsie. Un rapport à venir serait destiné à pointer les conditions de détention des prisonniers, selon certaines sources.
La thèse du suicide collectif peu plausible
Selon Seidik Abba, spécialiste de la région du lac Tchad, la thèse du suicide collectif ne convainc pas vraiment et pour cause. Partisans d’un islam très rigoriste par rapport à celui qui est pratiqué dans la région du lac Tchad, les membres de Boko Haram ont pour tradition de ne pas se suicider. Les opérations kamikazes représentent les seuls cas de suicides connus chez cette secte.
L’autre élément troublant, ce sont les conditions de décès des détenus. Ayant été arrêtés sur le terrain et transférés à Ndjamena, les détenus n’avaient aucun moyen d’obtenir des médicaments, surtout parce qu’ils étaient sous bonne garde. D’ailleurs, aucun cas de suicide collectif n’a été enregistré auparavant auprès des membres de ce groupe terroriste détenus au Cameroun, au Niger ou au Nigeria.
Le 3e point frappant reste celui du statut des prisonniers. Aucun de ceux qui ont été arrêtés ne faisait partie de la haute hiérarchie de Boko Haram. Ils ne détenaient donc a priori aucune information capitale ni secrets en rapport avec l’organisation du mouvement qui pourrait justifier qu’ils se suicident plutôt que d’être capturés.
Le Tchad étant un état de droit, toute l’opinion publique attend les conclusions des enquêtes.