Tchad : le combat invisible des femmes célibataires pour se loger


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Des femmes célèbrent le 8 mars 2023
Des femmes célèbrent le 8 mars 2023

Au cœur de N’Djamena, capitale du Tchad, la quête d’un logement pour une femme célibataire se transforme en un parcours semé d’embûches. Derrière chaque annonce immobilière, une bataille silencieuse se joue, alimentée par des préjugés enracinés et des stéréotypes tenaces. Le statut matrimonial de ces femmes devient un critère d’exclusion à part entière, les condamnant parfois à l’impossibilité de trouver un toit digne.

La discrimination à l’égard des femmes célibataires au Tchad n’est pas seulement une question de disponibilité de logements, mais bien une question de reconnaissance sociale. Ces femmes, souvent perçues comme immatures, irresponsables, voire indignes de confiance, font face à un rejet systématique de la part de certains propriétaires, qui privilégient des couples jugés plus « stables ». La réalité est d’autant plus poignante que ces femmes, loin d’être dénuées de sérieux ou de responsabilité, sont simplement victimes d’une conception rigide des rôles de genre dans une société patriarcale.

Les voix des femmes face à l’injustice

Fatou Madjita, une jeune mère de famille dans la trentaine, raconte à nos confères de DW son expérience dévastatrice lors de sa recherche de logement. « Quand je suis allée voir un propriétaire, il m’a dit que les femmes célibataires ne sont pas responsables. Il a même ajouté qu’il préfère louer sa maison à des couples. Ça m’a vraiment blessée, car je suis une personne sérieuse et je paie toujours mon loyer à temps« , confie-t-elle. Fatou, comme de nombreuses autres femmes dans la même situation, se voit jugée non sur ses qualités personnelles, mais sur un simple statut matrimonial.

Amina, une autre femme de 28 ans, partage un vécu similaire. « Un propriétaire m’a clairement dit qu’il craignait que je fasse des fêtes ou que je fasse défiler des hommes chez lui. C’est dégradant d’être jugée uniquement sur mon statut marital« , explique-t-elle, soulignant l’injustice de cette stigmatisation qui va bien au-delà de la simple question de logement.

Ces témoignages, parmi tant d’autres, révèlent une réalité inquiétante : les femmes célibataires au Tchad sont souvent prises dans les mailles d’une toile sociale faite de préjugés et de stéréotypes liés à leur condition. Leur accès à un logement décent est systématiquement entravé par des jugements moraux sur leur mode de vie, fondés sur des interprétations culturelles et religieuses des rôles de genre.

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Un système patriarcal qui pèse lourdement

Les discriminations ne sont pas seulement le fait de quelques propriétaires isolés, mais bien ancrées dans un système patriarcal qui conditionne les rapports sociaux et les droits des femmes. Cette vision ancrée dans les mentalités empêche non seulement les femmes de se libérer des contraintes sociales, mais les rend également vulnérables à des injustices flagrantes dans des domaines aussi essentiels que l’accès à un logement.

Le cas des femmes célibataires au Tchad est symptomatique de la place que la société leur accorde : souvent reléguées à un rôle secondaire, leur autonomie est perçue comme une menace à l’ordre établi. Ces stéréotypes vont jusqu’à affecter les conditions d’accès au logement, un des besoins fondamentaux de l’existence humaine.

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Le rôle des bailleurs : entre stéréotypes et réalité sociale

Certains propriétaires, tels que Ibrahim, un bailleur à N’Djamena, justifient cette discrimination par des craintes liées à la sécurité. « Beaucoup de propriétaires craignent que des femmes seules ne soient pas fiables. Souvent, elles reçoivent des hommes à la maison, ce qui peut causer des disputes. Pour nous, c’est une question de sécurité. On préfère louer à des familles, qu’on estime plus stables« , affirme-t-il. Une position qui reflète bien la peur irrationnelle mais profonde que certains hommes nourrissent à l’égard de l’autonomie des femmes.

Cette justification, pourtant largement partagée par d’autres bailleurs, révèle un problème de fond : le manque de conscience des effets de ces stéréotypes sur la vie quotidienne des femmes. Dans un contexte où les femmes célibataires sont perçues comme moins fiables ou instables, leurs choix de logement deviennent une lutte permanente contre des préjugés sociaux qui les empêchent de mener une vie sereine et autonome.

Un appel à une réforme urgente

Les défenseurs des droits humains au Tchad soulignent que cette situation nécessite une prise de conscience urgente et l’adoption de politiques plus inclusives. Ces dernières devraient garantir l’accès au logement pour toutes, sans distinction fondée sur le statut marital. Il est primordial que des structures d’accueil soient mises en place pour les femmes victimes de discrimination, et que des recours juridiques efficaces existent pour lutter contre ces injustices.

Les femmes célibataires doivent pouvoir accéder à un logement digne, sans être jugées sur des critères qui ne relèvent pas de leur responsabilité. Une réforme législative, mais aussi un changement de mentalité, s’imposent pour construire un Tchad où toutes les femmes, qu’elles soient mariées ou non, puissent jouir des mêmes droits et libertés, sans crainte de stigmatisation.

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