Après l’échec des négociations avec l’Union des forces de la résistance (UFR, coalition d’opposition), les affrontements entre le Front populaire pour la renaissance nationale (FPRN) et les forces gouvernementales, le président tchadien a décrété, mardi, le recensement électoral en vue des élections générales. Cette annonce surprise d’Idriss Deby Itno semble dérouter l’UFR déjà malmenée par des problèmes internes.
Idriss Deby Itno ne perd pas de temps. A peine remis de sa visite médicale d’une semaine en France, le président tchadien a décrété mardi, à la surprise générale, que le recensement électoral prévu initialement début mars serait effectué à partir du 5 mai. Il devrait s’étaler sur cinquante jours. Pourtant, au Tchad, rien ne semble prêt à accueillir la population venue se faire recenser en vue des élections générales prévues en décembre prochain. Les Commissions électorales nationales indépendantes (Céni) sous-préfectorales chargées des opérations ont été nommées seulement mardi et les agents recenseurs devraient prêter serment dans les prochains jours. Une situation qui a suscité des critiques au sein de l’opposition. « C’est un processus biaisé. Il n’y a aucune volonté de la part d’Idriss Deby Itno de mener une alternative pacifique. Il s’agit plus de donner l’image d’un pays démocratique à la communauté internationale », a indiqué à Afrik.com, Annette Laokolé, la porte-parole du Front populaire pour la renaissance nationale (FPRN).
« Masquer la raclée qu’ils ont reçue »
Cette décision intervient quelques jours seulement après les affrontements qui ont opposé les forces gouvernementales et le FPRN. D’après les informations apportées par ce parti militaro-politique, les forces gouvernementales auraient bombardé et mené des attaques dans le fief du FPRN, situé à l’est du Tchad, les 24 et 26 avril dernier. « Nous avons répondu. Il s’agissait de se défendre. Le FPRN est la seule force présente sur le territoire national, ce qui nous rend plus vulnérable. Les autres sont cantonnées à la frontière ou au Soudan », explique Annette Laokolé. Selon la porte-parole, cette force qui s’est constituée en 2004 serait « composée d’environ 5000 hommes » et « aurait un réseau politique qui s’étendrait à l’ensemble du pays ». Ces combats auraient fait 105 morts du côté des rebelles, selon N’Djamena. Un bilan que conteste le FPRN qui parle de 33 tués. Ils voulaient « masquer la raclée qu’ils ont reçue », estime Annette Laokolé.
Le temps des petits cafouillages
Début avril, l’ancien ministre de l’intérieur tchadien et médiateur national Abderrahmane Moussa aurait rencontré l’ Union des forces de la résistance (UFR, une coalition de l’opposition qui comprend 8 mouvances politiques dont le FPRN) pour entamer les premières négociations depuis 2007. Néanmoins, le FPRN n’aurait pas participé à cette rencontre. Raison évoquée par le parti : il demanderait, à la différence de l’UFR, comme préalable à toute action un dialogue national inclusif. Un point de vue que conteste le représentant Europe de l’UFR. Selon Acheikh Ibn Oumar, ces négociations n’auraient été en réalité qu’ « une rencontre informelle faite dans la précipitation ». « Il y a eu un problème de concertation. Au sein de l’UFR, on manque un peu de méthodes de gestion pour gérer les différences d’opinion, c’est tout », explique-t-il à Afrik.com.
Ces divergences de point de vue au sein de l’opposition se retrouvent aussi dans les modes d’action. L’Action tchadienne pour l’unité et le socialisme et le Parti révolutionnaire et écologique (ACTUS/PRPE), qui a demandé son adhésion à l’UFR, ne soutient pas les pourparlers avec le gouvernement. Djimadoum Ngardigal, le secrétaire général du mouvement considère que seule « une offensive militaire forte » pourra changer durablement la situation politique du pays. Une position que tempère le FPRN. « Il n’y aura pas d’offensive militaire. Nous ne sommes pas pour l’instant dans une alternative pacifique », confie Annette Laokoré. Des propos confirmés par le représentant Europe de l’UFR : « La lutte armée n’est pas un objectif mais une option. Pour l’instant on est dans une logique de négociations, mais si elles n’aboutissent pas, nous lancerons les hostilités ».
En mai, une nouvelle rencontre devrait avoir lieu entre les autorités gouvernementales et l’opposition. Pourtant, l’UFR ne se fait pas d’illusions. « A court terme, l’attitude d’Idriss Deby Itno ne changera pas de position et ne fera rien pour coopérer avec l’opposition. Il est en position de force, il a l’appui de la France et du Soudan. Mais à long terme, les choses devront bouger », conclut Acheikh Ibn Oumar. Comme en 2008, si les acteurs politiques tardent à trouver une issue, le président tchadien pourrait faire face à une nouvelle attaque.