La Cour criminelle tchadienne a condamné 12 chefs rebelles et l’ex-président Hissène Habré à la peine de mort, lors d’un procès instruit en moins d’une heure à N’Djamena. La rébellion dénonce une procédure illégale et menace de renverser le président Idriss Déby Itno. Celui-ci est par ailleurs accusé d’avoir voulu soustraire Hissène Habré à la justice sénégalaise pour se protéger.
Expéditif. C’est le moins que l’on puisse dire du procès de la Cour criminelle de N’Djamena qui, le 15 août dernier, a condamné 12 chefs rebelles tchadiens à la peine capitale. Parmi eux figure Hissène Habré, l’ex-président tchadien renversé en 1990 et réfugié depuis au Sénégal. Ils ont été jugés, en moins d’une heure, pour « atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité et à la sécurité de l’Etat ». Les factions rebelles, loin de s’incliner, ont annoncé une offensive dès le mois d’octobre.
Une « plaisanterie de mauvais goût »
Le principal chef rebelle tchadien Mahamat Nouri, le chef de l’Union des Forces pour la Démocratie et le Développement (UFDD), celui du Rassemblement des Forces pour le Changement (RFC), celui de l’Union des Forces pour le Changement et la Démocratie (UFCD) et Hissène Habré sont parmi les principaux condamnés à mort. Comme les 12 condamnés à mort et les 30 condamnés à la détention à perpétuité, ils dénoncent le procès expéditif de la Cour criminelle de N’Djamena qui fait suite à une plainte de l’Etat tchadien. « C’est une plaisanterie de mauvais goût », a déclaré Timan Erdimi, le chef du RFC, ajoutant que « La Cour ne s’est même pas rassemblée ».
Habituellement divisées, les différentes formations rebelles ont toutefois annoncé qu’elles étaient en contact les unes avec les autres dans le but de se rassembler et d’agir conjointement. Dans une lettre ouverte au président Déby, l’un deux expose ses griefs envers l’Etat, affirmant que la lutte armée est la seule solution. Après l’annonce de leur condamnation, plusieurs chefs rebelles ont déclaré ce lundi qu’ils préparaient une offensive prévue pour la fin de la saison des pluies.
Les factions rebelles tchadiennes avaient, les 2 et 3 février derniers, quitté leurs bases arrières situées au Soudan et avaient marché sur la capitale N’Djamena, afin de renverser l’actuel président, Idriss Déby Itno, qu’ils avaient bloqué dans son palais. Celui-ci, avec l’aide de la France, était parvenu à mater la rébellion au dernier moment. En avril, puis en juin, de nouveaux raids avaient eu lieu contre l’Etat.
Une machination d’Idriss Déby Itno ?
Pour beaucoup, le président tchadien ne serait pas étranger à ce procès-éclair, qui a eu lieu sans annonce préalable. En effet, ces condamnations interviennent alors même qu’Hissène Habré devait être jugé par le Sénégal, sous l’égide de l’Union Africaine, pour « crimes de guerre, crimes contre l’Humanité et torture ». Selon un rapport tchadien, 40 000 personnes auraient péri, en détention ou au cours d’exécutions, lors de son mandat entre 1982 et 1990. Or, Idriss Déby serait le principal co-auteur de ces méfaits. Il aurait alors voulu soustraire son ancien frère d’armes à la justice internationale en le faisant condamner pour d’autres faits par les tribunaux nationaux.
Le ministre sénégalais de la Justice, qui n’a pas été mis au courant de la procédure tchadienne, doute qu’Hissène Habré puisse désormais être jugé par Dakar. « S’il est jugé pour les mêmes faits (au Tchad), il ne peut pas être jugé par une autre juridiction », a-t-il expliqué. En effet, la justice tchadienne – qui s’était dans un premier temps déclarée inapte à juger son ancien président – demeure prioritaire pour instruire les affaires qui touchent son pays et ses ressortissants.
L’avocat d’Hissène Habré, Me El Hadj Diouf, a déclaré qu’il ne prenait pas au sérieux la condamnation de la Cour de N’Djamena et qu’il préparait activement sa défense pour le procès instruit par le Sénégal. Il a dénoncé une machination contre son client.