Tatiana Rojo : « Quand on est authentique, on plaît toujours »


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Elle prête sa voix à Adjoua, une des amies de l’héroïne, dans l’adaptation cinématographie de la bande dessinée « Aya de Yopougon » réalisée par ses propres auteurs Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Le film sort ce mercredi en salles. Rencontre avec une dynamite : Tatiana Rojo.

Afrik.com : Comment avez-vous entendu parler du projet Aya de Yopougon au cinéma ?

Tatiana Rojo : C’est un ami, Diouc Koma qui m’en a parlé la première fois, en 2007 ou en 2008. J’avais joué avec lui dans dans Fatou l’espoir de Daniel Vigne (2002). Quelques mois plus tard, Marguerite Abouet est venue me voir sur scène quand je jouais Amou Tati à l’état Brut en 2009, un spectacle que j’ai créé et mis en scène. C’est d’ailleurs sur l’une des voix d’un de mes personnages que je me suis appuyée pour Adjoua, l’une des amies d’Aya. J’ai participé à un casting. Marguerite Abouet a vraiment aimé mon travail. Elle est devenue une amie. C’est une réalisatrice que j’apprécie beaucoup. C’est rare qu’un cinéaste se préoccupe autant de ses acteurs. Elle échappe à cette règle. Participer à Aya de Yopougon est un double symbole. Pendant les récents évènements (crise politique, ndlr) qu’a connu la Côte d’Ivoire, ma mère, aujourd’hui disparue, vivait à Yopougon pendant les attaques. Aussi, retrouver le Yopougon des années 70 avait quelque chose de rassurant. Les aspirations des jeunes n’ont pas changé. Ce sont toujours des adolescents qui se « cherchent » (qui cherchent à se construire un avenir, terme de l’argot ivoirien). Parmi eux, ces jeunes filles qui rêvent de s’accomplir au travers des 3C (coiffure, couture, chasse au mari)…

Afrik.com : Quel a été le travail sur le personnage d’Adjoua ?

Tatiana Rojo : Comme je le disais, je me suis inspirée d’un de mes personnages dans Amou Tati à l’état brut. C’était donc très facile d’interpréter Adjoua dont la grossesse est au cœur de cette adaptation. A San Pedro (la ville qui abrite le second port ivoirien, ndlr) où j’ai vécu, j’avais une amie qui m’a aussi beaucoup inspirée. Elle aimait sortir et tous les moyens étaient bons (rires).

Afrik.com : Comment se sont déroulées les séances de doublage ?

Tatiana Rojo : Nous avons travaillé une première fois en 2009 et puis nous avons tout refait en 2011.

Afrik.com : Dans Aya de Yopougon, on parle bien sûr nouchi, l’argot ivoirien, comme dans la BD. C’est un pari audacieux de Marguerite Abouet d’emmener les téléspectateurs dans cet univers linguistique au cinéma ?

Tatiana Rojo : Il suffit de s’habituer à la musicalité des mots. Dans le film, le geste et les mimiques accompagnent les paroles. Par ailleurs, j’articule afin de laisser du temps pour que le public comprenne. En même temps, c’est du français…

Filmographie sélective

Fatou l’espoir de Daniel Vigne (2002)

La Rivale de Edouard Carrion (2006)

C’est à Dieu qu’il faut le dire de Elsa Diringer (court métrage) – Prix spécial du jury Colcoa film festival (Los Angeles, Etats-Unis)

Afrik.com : Votre enfance s’est partagée entre la Côte d’Ivoire et la France…

Tatiana Rojo : Je suis née au Havre d’une mère ivoirienne et d’un père gabonais. A 7 ans, nous nous sommes retrouvées en Côte d’Ivoire avec mes sœurs et ma mère. Et là, je n’étais plus l’intruse, la seule Noire. Je n’avais plus cette sensation d’être différente dans cet environnement où on parle avec les mains et les pieds : je suis bété (ethnie de l’ouest de la Côte d’Ivoire). Je me sentais chez moi même si j’ai eu double culture. Mes grandes sœurs étaient moins heureuses, parce qu’elles étaient plus grandes et qu’elles avaient dû changer de mode de vie. Mais moi, j’étais contente, même si c’était dur. Les autres enfants me donnaient des coups à cause de mon accent de Française. Je me suis évertuée à le perdre rapidement en imitant les gens autour de moi. A tel point que quand on cherchait celle qui est venue de France, on tombait sur une vraie villageoise. Du moins, c’est en ces termes que me décrivait ma mère (rires). Les malheurs vous rendent forts et la spiritualité m’a beaucoup aidée. Et puis dans quelques mois, je découvrirai le pays de mon père, le Gabon. Ce sera une autre grande et belle émotion.

Afrik.com : Votre actualité, c’est Aya de Yopougon mais c’est aussi Amou Tati, un one man show qui a plusieurs versions ?

Tatiana Rojo : Amou Tati à l’état brut est un spectacle que j’ai conçu parce que j’avais fait des films, des pièces, des festivals, mais je le téléphone ne sonnait pas. Il faut savoir se créer des opportunités. Le show raconte, entre autres, les tribulations d’une Africaine qui est en train de s’intégrer. Plusieurs personnages féminins se croisent toujours dans ce spectacle. La nouvelle version d’Amou Tati rend hommage à ma mère, Michelle. Une femme qui a élevé toute seule ses filles afin qu’elles soient pragmatiques. J’ai eu une maman qui nous a boostées en nous disant qu’on étaient uniques. Une mère courage avec le sourire et la foi. C’est mon metteur en scène, Eric Checco qui m’a conseillé de la mettre au centre de mon spectacle. Il a été joué à Avignon l’été dernier. C’est un hommage à l’Afrique – si l’Afrique avait des dépressions, il y a longtemps qu’elle serait dépeuplée -, à sa culture, aux mères et à tous les êtres humains. J’ai eu le culot de faire un spectacle avec un foulard et un boubou et cela a plu. Quand on est authentique, on plaît toujours !

Afrik.com : Quels sont vos projets ?

Tatiana Rojo : Je tourne actuellement Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? de Philippe de Chauveron. J’ai tourné aux cotés de Benoît Poelvoorde Akwaba de Benoît Mariage. Un film franco-belge qui sortira en 2014. De même que Le Crocodile du Botswanga de Fabrice Eboué et de Thomas Ngijol dont la sortie est également prévue pour 2014. Enfin, je serai sur scène le samedi 27 juillet au Lavoir Moderne dans Amou Tati. « Le cacao, ça ne pousse pas à Genève, mais là-bas, ils sont tous chocolatiers. Laissez-nous goûtez le chocolat de Genève », dixit Michelle !

> Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et de Clément Oubrerie,

Avec les voix de Aïssa Maïga, Tatiana Rojo, Tella Kpomahou, Jacky Ido, Emil Abessolo-Mbo et Eriq Ebouaney

Sortie nationale : 17 juillet 2013

> Amou Tati de et avec Tatiana Rojo, dans une mise en scène d’Eric Checco

Au Lavoir Moderne le 27 juillet à 20h

35 rue Léon, 75018 Paris

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