Contesté aux Etats-Unis et en France, où il a été interdit de séjour, l’intellectuel musulman Tariq Ramadan a été choisi avec douze autres personnalités pour conseiller le gouvernement britannique dans sa lutte contre l’islamisme radical. Une semaine après avoir promulgué les « comportements inacceptables » susceptibles d’entraîner une expulsion du pays, les autorités britanniques affichent leur confiance au philosophe suisse.
Tariq Ramadan conseiller ès lutte contre l’islamisme radical auprès du gouvernement britannique. L’intellectuel suisse a été choisi avec douze autres personnalités pour réfléchir aux moyens d’empêcher les jeunes musulmans de prendre la voie de l’extrémisme, selon The Guardian. L’information, non officiellement confirmée, l’a été implicitement par un député membre du groupe. Extrémiste masqué ou libéral sincère, le petit-fils de l’Egyptien Hassan el Bana, fondateur des Frères musulmans, suscite la polémique partout où il passe.
Le 24 juillet dernier, le professeur Tariq Ramadan a été invité par la police métropolitaine de Londres à donner une conférence où il exprimait son refus de la violence. Un peu plus de deux semaines après les attentats du 7 juillet, l’événement a parfois eu du mal à passer. Photo en Une, le journal The Sun l’a présenté comme le « visage aimable de la terreur [séduisant] les jeunes musulmans ». The Independent l’a au contraire décrit comme « l’un des plus brillants espoirs de réconciliation entre les musulmans et le reste de la société ». Les autorités britanniques ont-elles tranchées ? Ou se servent-elles de la double influence de l’intellectuel suisse ?
Persona grata
Le 24 août, Londres a publié la liste des « comportements inacceptables » pouvant conduire à une expulsion du Royaume-Uni. « Fomenter, justifier ou glorifier la violence terroriste », « chercher à provoquer des actes terroristes » et « fomenter la haine pouvant mener à des violences entre les différentes communautés » font partie de ces comportements cités par le ministre de l’Intérieur Charles Clarke. Classé par le magazine Time parmi les cent innovateurs du XXIe siècle, pour ses travaux sur la création d’un islam européen indépendant, Ramadan n’est apparemment pas concerné. Il pourra donc honorer son nouveau poste d’universitaire -associé – sans fonction d’enseignement – à l’Université d’Oxford pour la rentrée 2005-2006.
« Le professeur Ramadan est un intellectuel reconnu dans le monde entier. Saint-Antony’s College est un forum de débat universitaire sur les problèmes contemporains. Il est opposé à tout discours de haine et à toute intimidation qui viseraient à réprimer la liberté universitaire », a indiqué le 26 août l’illustre institution dans un communiqué. En 2004, professeur de philosophie sortant à l’université de Saussure, à Genève, Tariq Ramadan n’avait jamais pu occuper la chaire « Religion, conflit et promotion de la paix » que l’université américaine Notre-Dame (Indiana) lui offrait, le département d’Etat ayant révoqué son visa pour raisons de sécurité.
Pour ou contre Ramadan ?
En France, Tariq Ramadan a brièvement été interdit de séjour, en 1995, pour « menace à l’ordre public ». Le ministère de l’Intérieur, Jean Louis Debré à sa tête, le soupçonnait d’avoir des rapports avec d’anciens terroristes algériens, alors que la France était visée par le GIA (Groupe islamique armé). Il est défendu par Le Monde Diplomatique et par des personnalités de gauche, après sa « maladresse », en 2003, où il évoque dans un texte la judéité d’intellectuels qui le combattaient. Il est honnis par d’autres (Bernard Henri Levy, Alain Finkielkraut), tombé dans un guet-apens au cours de l’émission de la télévision publique France 2, « 60 minutes pour convaincre », face au ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, et qualifié de « poseur d’idées nocives pour les libertés publiques (…) fondamentaliste et réactionnaire » par la journaliste Caroline Fourest, auteur de Frère Tariq (Grasset).
Le citoyen suisse a participé à la Commission Laïcité et Islam, de la Ligue française de l’enseignement, fondée en 1997 et aujourd’hui sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme et du Monde diplomatique. Il est devenu si dangereux de se prononcer sur Tariq Ramadan que la Ligue, contactée par nos soins afin d’évoquer le travail du professeur, fait savoir qu’« il a fait partie de la commission comme beaucoup d’autres » et qu’elle ne souhaite pas vraiment communiquer sur cette question. Selon The Guardian, le groupe des treize conseillers doit rendre son rapport au gouvernement britannique à la fin du mois de septembre.