Tanzanie : l’opposition muselée à six mois de la présidentielle


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Tundu Lissu
Tundu Lissu

À six mois de la présidentielle, le pouvoir tanzanien frappe fort : Chadema, principal parti d’opposition, est exclu du processus électoral pour cinq ans. Un bannissement inédit qui jette une ombre sur la crédibilité du scrutin à venir et soulève de vives inquiétudes sur l’avenir démocratique du pays.

C’est un séisme politique qui secoue la Tanzanie. À six mois des élections générales prévues en octobre, le principal parti d’opposition, le Chadema, vient d’être disqualifié par la Commission électorale nationale. En cause : son refus assumé de signer le nouveau code de conduite électoral. Une décision qui provoque l’indignation et relance les inquiétudes sur l’état de la démocratie tanzanienne sous la présidence de Samia Suluhu Hassan.

Chadema exclu pour cinq ans : une première historique

La Commission électorale nationale a tranché : le Chadema ne pourra pas participer aux élections générales d’octobre, ni aux scrutins partiels pendant cinq ans. Cette exclusion repose sur le refus du parti de signer un code de conduite électoral jugé déséquilibré. Ce texte, qui fixe des règles éthiques pour le processus électoral, a été accepté par 18 des 19 partis du pays. Seul le Chadema a résisté, dénonçant un système qui continue, selon lui, à favoriser outrageusement le parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM).

Pour Chadema, cette disqualification n’est pas seulement une sanction administrative : elle s’apparente à un bannissement politique. « C’est la première fois dans l’histoire du pays qu’un tel coup de force est perpétré contre un parti d’opposition majeur », confie un cadre du mouvement.

« Pas de réformes, pas d’élections » : une position assumée

À l’origine de cette crise : une ligne de fermeté défendue sans relâche par Chadema. Son leader emblématique, Tundu Lissu, récemment inculpé pour trahison, avait donné le ton : le parti ne participera à aucune élection sans garanties démocratiques. Chadema exige notamment des réformes constitutionnelles, une nouvelle législation électorale et surtout, une commission électorale véritablement indépendante.

Bien que des réformes aient été adoptées en 2024, le parti les juge largement insuffisantes. Son secrétaire général, John Mnyika, a réaffirmé cette position en expliquant que signer le code actuel reviendrait à valider un système biaisé et antidémocratique.

Une démocratie en péril ?

Cette décision explosive a immédiatement ravivé les critiques contre la présidente Samia Suluhu Hassan, accusée de revenir aux pratiques autoritaires de son prédécesseur, feu John Magufuli. Loin de l’image réformatrice qu’elle avait tenté de construire à son arrivée au pouvoir, la cheffe de l’État est désormais accusée de verrouiller le jeu électoral.

Des voix s’élèvent au sein de la société civile et parmi les observateurs internationaux. Beaucoup craignent que l’exclusion du Chadema ne compromette sérieusement la crédibilité du scrutin d’octobre, et plus globalement, l’avenir du pluralisme politique en Tanzanie.

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