Le légendaire Tabu Ley Rochereau est de retour dans les bacs avec un énième album toujours sans accroc. À ses côtés sur « Tempelo », sa fille Mélodie, qui s’essaie pour la première fois au micro. Un talent est né. Par hasard. Son père, maître de la rumba et inventeur du soukouss, espère bien lui donner toutes les armes pour réussir une éventuelle carrière. Message aux jeunes artistes africains, la star congolaise prône une musique universelle. Interview.
Afrik : Combien avez-vous mis de temps pour faire l’album ?
Tabu Ley Rochereau : Un an. Il a fallu que je renoue avec les gens du métier. Je n’étais pas attendu car je n’avais prévenu personne de la date exacte de la sortie du disque. Cela m’a obligé à revoir le canevas de l’album. J’ai heureusement pu le finaliser. Peut être pas comme je voulais, mais dieu merci il est sorti.
Afrik : D’aucun vous considèrent comme le père la musique congolaise actuelle. Il y a déjà deux générations d’artistes après vous mais vos albums sont à chaque fois très attendus. Comment faites-vous pour toujours rester d’actualité ?
Tabu Ley Rochereau : Je suis concepteur pas consommateur de musique. Les goûts évoluent et il me faut répondre aux souhaits des oreilles du public. Alors je consulte beaucoup de monde, des artistes, des mélomanes, des journalistes, pour leur demander leur avis sur mes productions. J’ai besoin de conseils. Ce n’est pas parce que j’ai une longue carrière derrière moi qu’il faut créer de façon dictatoriale. Et chercher à imposer à tout prix sa musique.
Afrik : On note la présence de votre fille Mélodie sur l’album. Vous préparez la relève ?
Tabu Ley Rochereau : Elle n’était même pas prévue sur l’album. Elle arrivait des Etats-Unis où elle fait actuellement ses études. Je devais faire un morceau avec Monique Séka mais nous n’avons pas pu nous rencontrer. Mélodie a écouté la musique et m’a spontanément proposé de chanter avec moi. On a travaillé 15 minutes dans la voiture sur le chemin du studio. Le producteur qui n’était pas au courant a été extrêmement surpris par cette voix si suave. Avec une pointe de naïveté. C’était tellement beau. C’est là que je me suis rendu compte qu’elle avait vraiment du talent.
Afrik : Elle n’a pas fait qu’une seule chanson sur l’album
Tabu Ley Rochereau : Quand j’ai écouté sa voix, je me suis dit : « C’est la manne qui tombe du ciel ». Je l’ai utilisée dans tous les choeurs des chansons de l’album. Quand je lui ai demandé si elle pouvait m’écrire un texte pour une chanson, elle a commencé à griffonner sur un bout de papier, et le jour même elle nous a sorti quelque chose. J’ai découvert qu’elle avait de grandes facilités d’écriture. Elle n’a pas besoin de se forcer.
Afrik : L’avez-vous déjà encouragée à suivre vos traces ?
Tabu Ley Rochereau : Je ne l’ai jamais poussée à devenir une artiste comme moi. Au contraire, j’ai toujours veillé, en accord avec sa mère, Mbilia Bel (ils sont actuellement séparés), à la préserver de ce milieu. Car le métier réserve beaucoup d’accrocs. Mais si elle décide de se lancer dans la musique, je m’investirais corps et âme pour qu’elle aille très loin. Sur Tempelo, elle chante pour son plaisir, mais nous avons pris ça très au sérieux. Après son bac (elle a 17 ans, ndlr), elle va venir à Paris pour continuer ses études. Si elle le désire nous pourrons commencer à travailler sérieusement sur une carrière.
Afrik : Avez-vous prévu une scène pour votre dernier album ?
Tabu Ley Rochereau : Nous avons prévu une soirée de promo au Bataclan le 30 mai prochain. Et nous visons l’Olympia en 2004. Nous monterons sur scène à trois : Mélodie, sa mère et moi. La famille recomposée. Une première. Trois générations du même sang. Une soirée XR 3, l’équation à partir de 3 Rochereau.
Afrik : Vous êtes avec Franco le père du soukouss. Comment considérez-vous l’actuelle génération d’artistes africains ?
Tabu Ley Rochereau : Je me vois comme leur oncle, ou leur père. Ce n’est pas une question de suprématie artistique, mais surtout par rapport à mon âge et à tout ce que j’ai déjà fait. J’ai encadré beaucoup de monde dans la musique. Des personnes comme Papa Wemba, Koffi Olomidé, Ray Léma et bien d’autres ont successivement débuté dans mon orchestre. Tous ces jeunes sont aujourd’hui devenus des grands.
Afrik : Combien avez-vous fait d’albums dans votre carrière ?
Tabu Ley Rochereau : Je sais seulement que j’ai écrit plus de 2 300 chansons. J’étais la dernière fois à Radio France Internationale, le président m’a montré tous les disques que la discothèque d’RFI avait de moi. Il y en avait un mur plein. Je ne m’étais jamais vraiment rendu compte. Ils ont même des 78 tours qui sont désormais classés « patrimoine de RFI ».
Afrik : Quel conseil donneriez-vous aujourd’hui aux jeunes artistes africains ?
Tabu Ley Rochereau : Je les inciterai à plus de recherche dans leur musique. Il faut faire évoluer la musique africaine pour qu’elle pénètre les oreilles étrangères. Il faut trouver des sons universels. Malgré l’expansion des moyens de communication, nos ventes n’ont pas éclaté comme nous l’aurions souhaité. Nous arrivons bien à écouter des musiques issues d’autres cultures. Quand on voit des groupes comme Magic System ou des personnes comme Youssou n’Dour. On se rend compte qu’il y a moyen de crever l’abcès.
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