Comme tous les peuples de la Terre, les Américains ont quelques livres fétiches. Best-sellers symptomatiques du génie national et de sa poésie que tous les écoliers, de San-Francisco à Washington, potassent un jour. « L’attrape coeur » de JD Salinger compte parmi ceux-là.
Le jeune protagoniste de 16 ans erre dans New-York en proie au mal vivre d’une génération. Dans un taxi, le garçon observe un bassin plein de poissons rouges en train de geler. Il demande au chauffeur ce qu’il adviendra d’eux une fois le bassin devenu dur comme de la pierre. Pas de réponse. Puis, au moment de déposer son jeune client, l’homme lui lance un terrible et laconique « t’as foutrement raison, mon p’tit gars ».
Aujourd’hui, tout un continent vit dans un bassin empoisonné par le plus terrible fléau du XXIè siècle : le Sida. Interdites de mouvement par une politique restrictive des visas, des millions de personnes implorent un accès aux soins que les grandes compagnies pharmaceutiques leur refusent cyniquement.
Combien perceptible est le désespoir de Nelson Mandela, grand homme de la nouvelle Afrique du sud à laquelle il a sacrifié sa vie et sa liberté, lorsqu’il interpelle la communauté internationale et les USA en tête, pour leur dire que si rien n’est fait, au rythme actuel de l’épidémie, un adolescent sud-africain sur deux sera séropositif dans dix ans. Les pays d’Afrique ne cessent de pousser des cris similaires où se mêlent rage et impuissance. Les responsables d’ONU-Sida qui savent que pour seulement limiter l’épidémie, il faudrait multiplier les moyens par mille, sont réduits à l’attente d’un improbable miracle.
Et l’administration Clinton, seule à même d’imposer aux firmes pharmaceutiques une appropriation des brevets par l’humanité ? Et l’administration Clinton dont un seul geste peut sauver l’Afrique d’un anéantissement certain ?
T’as foutrement raison, mon p’tit gars.