Dans la perspective de l’élection présidentielle qui se déroulera cette année, le gouvernement camerounais a soumis mercredi 6 avril des projets de loi à l’Assemblée nationale pour qu’ils soient étudiés et adoptés par les élus du peuple. Il s’y dégage une véritable volonté d’ouverture mais aussi celle de rendre impossible l’alternance à la tête de la présidence de la République.
De notre correspondante
Selon certains observateurs de la vie politique camerounaise, les projets de loi déposés par le gouvernement à l’Assemblée nationale au début du mois donnent une impression d’ouverture, quand en fait ils verrouillent davantage le système électoral. L’un d’entre eux modifie et complète certaines dispositions de la loi du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’« Elections Cameroon », l’organe en charge de l’organisation des élections. L’autre projet de loi modifie et complète certaines dispositions de la loi du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République.
Pour ce qui est de la modification du texte sur les élections, le gouvernement a apporté des modifications majeures. En effet, dans l’alinéa 2 du nouvel article 6, il veut supprimer la disposition « rend publique les tendances enregistrées à l’issue des scrutins ». L’exclusivité est dorénavant réservée à la cour constitutionnelle qui proclame les résultats. Cette disposition viserait à rester dans l’esprit et la lettre de l’article 48, alinéa 1 de la Constitution qui dispose que « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats. »
Visiblement, le gouvernement veut éviter les batailles entre la Cour constitutionnelle et Elecam. Le spectre de l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire plane encore dans les esprits au Cameroun, il faut donc mettre rapidement des garde-fous en place. Pour une meilleure sécurité, Elections Cameroon n’a pas le droit d’annoncer les tendances et encore moins de proclamer les résultats. Cette responsabilité revient à la Cour constitutionnelle.
Un système verrouillé
Les Nations unies ont recommandé depuis quelques mois l’intégration de toutes les tendances politiques dans le Conseil électoral d’Elections Cameroon. Ainsi, l’autre modification de la loi sur Elecam porte sur l’article 8 alinea 1 qui élargit « le Conseil électoral de douze (12) à dix-huit (18) membres afin de permettre une plus grande intégration des sensibilités sociopolitiques de notre pays. »
De nombreux autres éléments rentrent en jeu dans la révision de la loi sur l’élection au Cameroun. Il s’agit par exemple de la caution des candidats à l’élection présidentielle, qui passe de 1 500 000 à 3 000 000 FCFA, et du délai entre la publication du décret convoquant le corps électoral et la date fixée par le scrutin qui passe de 30 à 40 jours. La période de refonte des listes est fixée du 1er janvier au 31 août de chaque année. Il va sans dire que le montant de cette caution sera l’un des premiers éléments qui éliminera les potentiels candidats à la présidentielle.
Autre nouveauté, en cas de vacance à la présidence de la République, l’élection du nouveau président doit avoir lieu 20 jours au plus tôt et 120 jours au plus tard après l’ouverture de la vacance. Avant, il s’agissait de 20 jours au moins et 40 jours au plus. Par ailleurs, l’empêchement définitif du président de la République est constaté par le Conseil constitutionnelle statuant à la majorité absolue de ses membres. Par ailleurs, le président par intérim a la compétence pour modifier la composition du gouvernement conformément à la réforme constitutionnelle de 2008.
Cette ouverture voulue par le gouvernement est, semble-t-il, la mise en œuvre des doléances de monsieur John Fru Ndi, président du « Social démocratic Front » (SDF) qui avait remis un mémorandum sur 11 points au chef de l’Etat Paul Biya au cours de leur rencontre en décembre dernier à Bamenda, lors du cinquantenaire de l’armée camerounaise. Ce mémorandum visait à présenter les requêtes et attentes du SDF et des Nations Unies sur l’élection présidentielle de cette année, notamment sur l’implication d’ELecam, les partis politiques et la société civile. En tentant une certaine ouverture, les projets de loi présentés et adoptés par l’Assemblée nationale verrouillent davantage le système électoral et la possibilité d’une alternance à la tête de l’Etat camerounais.