La conteuse Sylvie Mombo se représente sur scène depuis une dizaine d’années. Elle a publié son premier livre, « Le voyage de m’toto », où elle raconte les péripéties d’une vieille dame qui oublie ses lunettes au moment d’aller au marché pour vendre ses fruits et légumes et voit ainsi le monde d’un autre œil. Un conte fabuleux qui touche aussi bien les grands que les tout petits. Rencontre.
Passionnée. Sylvie Mombo, 38 ans, née d’un père gabonais et d’une mère guadeloupéenne, est conteuse depuis 1999. Pourtant rien ne la prédestinait à s’embarquer dans cette aventure qu’elle qualifie de « merveilleuse ». Son parcours est atypique. Bibliothécaire de formation, elle a en parallèle longtemps fait de la danse. Après une entorse à la cheville, elle est contrainte de tout abandonner. Elle décide alors de se consacrer entièrement au conte.
Afrik.com : Pourquoi avez-vous décidé de publier un livre alors qu’auparavant vous racontiez tous vos contes sur scène ?
Sylvie Mombo : Ce livre représente un petit caillou par rapport aux différents spectacles que j’ai pu réaliser. Il était très important pour moi de garder une trace de mes différentes représentations. J’ai écris Le voyage de m’toto pour les petits mais il peut aussi intéresser les grands. Le livre est accompagné d’un CD. La narration est très linéaire. Je raconte l’histoire d’une mamie qui doit vendre ses fruits et légumes au marché. Pour s’y rendre, elle doit traverser la rivière. Seulement, elle oublie ses lunettes. Et là tout change. Elle voit le trajet qu’elle a l’habitude de faire autrement. Elle a une perception complètement différente du monde qui l’entoure car elle n’a plus ses lunettes. Elle confond par exemple un lion avec un chat, ou un oiseau avec une grenouille.
Afrik.com : Comment avez-vous atterri dans l’univers du conte ?
Sylvie Mombo : Au départ j’étais bibliothécaire et je faisais dans le même temps de la danse africaine au sein de compagnies professionnelles et semi-professionnelles. Je me suis un jour foulée la cheville et je ne pouvais plus danser. Pour m’occuper, j’allais voir régulièrement des conteurs en spectacle. Mes différentes rencontres avec des danseurs, comédiens et conteurs m’ont mené au conte. J’ai appris à raconter des contes en autodidacte. Pour être efficace sur scène, je me suis formée à des cours de mime, et j’ai participé à des ateliers. Au fur à mesure que ma pratique s’est affinée, j’ai décidé d’en faire mon métier. Une décision qui s’est concrétisée à la naissance de ma petite fille. J’ai alors commencé à travailler pour les tout petits. La transmission est une problématique qui me parle beaucoup. Elle est primordiale pour moi qui suis issue de deux cultures. Mon père se demandait souvent comment faire pour transmettre sa culture à ses enfants ? Le conte est un excellent moyen pour transmettre des valeurs. Et c’est génial de raconter des histoires en langue française. Je suis amoureuse de cette langue. Elle est belle, intéressante, et on peut la retourner dans tous les sens.
Afrik.com : Vous vous produisez depuis plusieurs années sur scène. Quelle est la particularité de vos spectacles ?
Sylvie Mombo : J’ai une manière très urbaine de raconter mes contes. Sur scène je bouge beaucoup. J’ai une culture assez parisienne mais très marquée par mes origines. Lorsque les gens viennent me voir en spectacle, ils sont toujours étonnés de voir que je suis jeune car ils ont l’habitude de voir sur scène des conteuses plus âgées. En général ce sont des griottes originaires d’Afrique de l’ouest. Lorsque je conte, mes paroles s’accompagnent à mes gestes et à la musique. Je suis seule sur scène et en général accompagnée d’un pianiste. Le geste est pour moi extrêmement important lorsque l’on raconte une histoire. Parfois, il m’arrive même de réduire la parole pour laisser place à mon corps. Je suis quelqu’un d’extrêmement physique. J’ai besoin d’engager tout mon corps pour mettre en scène un personnage. Il faut que je sache au préalable comment est son corps, sa façon de marcher. J’incarne le personnage, je mime ses gestes. Je mets tout l’énergie de mon corps en avant pour le faire vivre.
Afrik.com : Les contes que vous racontez existent-ils déjà où vous les créer de toutes pièces ?
Sylvie Mombo : Les contes que je raconte viennent de tous les pays : Grèce, Turquie, Togo, Comores. Je raconte les histoires qui me touchent, qui m’interpellent. Pour l’essentiel de mon répertoire, je pars de contes qui existent déjà. Je revisite l’histoire à ma manière en l’imprégnant de ce que je suis. « La Danse de la Hyène », un de mes spectacles qui a été vu plus de 500 fois, est un conte traditionnel que j’ai revisité. Mais avec le temps, l’envie m’est venue de raconter mes propres histoires. J’en est notamment écris pour les adultes. Le voyage de m’toto est une de mes propres créations. Je travaille aussi beaucoup avec les médiathèques et avec des gens qui utilisent le conte comme outil pédagogique.
Afrik.com : Qu’est-ce que le conte peut apporter de plus selon vous à notre quotidien ?
Sylvie Mombo : Le conte a mille fonctions. Il nous ramène d’abord à l’essentiel. Aux valeurs basiques de la vie comme l’amour, l’affection, le partage. Aujourd’hui, on court après tant de choses que l’on a tendance à s’éloigner de plus en plus de l’essentiel. Le conte ramène à soi tout en nous permettant d’être en relation avec tous, l’unique et l’universelle. C’est génial ! Dans une histoire lambda, chacun peut retrouver la problématique de ce qu’il traverse dans le moment. Le conte résonne à tous les âges. C’est ce qui lui donne son côté magique et fabuleux.
Afrik.com : Le conte est une discipline méconnu du public. Arrivez-vous à vivre de vos représentations ?
Sylvie Mombo : Il est vrai que la discipline est peu connue du grand public contrairement au slam. Mais on peut en vivre. Nous sommes dans une société où les gens ont de plus en plus de mal à se retrouver ensemble. Les gens vont voir les conteurs sur scène pour se retrouver. Dans n’importe quel type de manifestation, des associations, villes, n’hésitent pas à faire venir les conteurs. Depuis une trentaine d’années, on parle du renouveau du conte. La discipline s’est modernisée avec l’apparition de formations et conteurs professionnels. Il y a de la place pour chacun. Chacun peut cultiver son univers et raconter avec le plus de sincérité possible. Lorsque je raconte une histoire, je la raconte avec l’énergie que j’ai sur le moment. Le conteur n’a pas le masque du comédien. On conte avec ce que l’on est. Le fil conducteur c’est nous. Les gens doivent s’accrocher à notre personnalité et humanité. C’est un vrai don de soi. Un travail parfois éprouvant mais passionnant.
Afrik.com : Avant chaque représentation vous-effectuez systématiquement un travail d’écriture ?
Sylvie Mombo : Ce n’est pas systématique. Parfois il m’arrive de raconter des contes sur scène sans les avoir préalablement écris. C’est ce que l’on appelle l’écriture orale. D’autres fois, c’est l’inverse. J’écris d’abord le conte avant de me représenter sur scène. Le conteur crée tout par la parole. Notre rôle est de générer des images en évoquant des mots. Par exemple, si l’on imagine une forêt, elle apparait. Ce n’est pas fabuleux ça !
Afrik.com : Pour le moment vous vous êtes essentiellement représentée en France. Est-ce dans vos projets de faire des spectacles en Afrique ?
Sylvie Mombo : C’est un projet en cours. Je suis née et j’ai grandi en France. Mais je garde des attaches très fortes avec l’Afrique. Je me suis déjà représentée en Mauritanie dans des écoles. C’était une superbe expérience. La première fois que je suis allée en Afrique, j’avais 20 ans et c’était au Sénégal. J’avais un peu d’appréhension. J’étais bouleversée. Je me suis sentie tellement bien. Les gens me prenaient dans leurs bras comme s’ils me connaissaient depuis des années. A ce moment là, je me suis dis waouh ! Je suis rentrée à la maison. Au Gabon, j’y suis allée pour la première fois à l’âge de 30 ans. C’est un pays que je connaissais que par la diaspora, notamment grâce à mes tantes et cousines. Là aussi, j’étais très émue de voir toute la famille qui m’attendait et connaissait tout sur ma vie privée. Je suis allée régulièrement en Guadeloupe au cours de mon enfance et adolescence. Mais je n’y suis pas retournée depuis 2001. Mes origines sont ma source d’inspiration.
Le voyage de m’toto (éditions l’Harmattan).
Le site de Sylvie Mombo