Le ton monte en Côte d’Ivoire après les déclarations du ministre français de la coopération, Charles Josselin, qui avait estimé le mardi 27 juillet que » démocratie et uniforme se conjuguent mal « , et qui s’était dit hostile » à toute exclusion artificielle de l’un ou de l’autre » dans le cadre de la course présidentielle.
C’est ainsi que la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) a appelé jeudi 29 juillet à un » sit-in de protestation » vendredi matin devant l’ambassade de France à Abidjan, par la voix de son secrétaire général, Charles Blé Goudé, qui déclarait avec irritation : » la colonisation est terminée. Qu’on laisse la Côte d’Ivoire gérer son destin ! « , suivant en cela le nouveau Ministre ivoirien de la Communication, le capitaine de frégate Henri Sama, qui avait réagi avec force dès le 27 juillet, accusant la France de » considérer la Côte d’Ivoire comme sa colonie « .
Pourtant Charles Josselin avait eu bien soin d’entourer son propos de mille précautions rhétoriques, soulignant le fait que les ivoiriens devaient décider pour eux-mêmes, que la France avait un rôle de spectateur, attentif parce que fraternel, mais jamais interventionniste. Alors, pourquoi ce dialogue de sourds ?
Il n’est pas certain qu’il n’y ait pas une certaine mauvaise foi, voire de l’opportunisme, dans la manière dont sont exploitées les paroles du ministre français : comme si le pouvoir ivoirien et ses relais voulait exploiter, après les tentations xénophobes liées au concept » d’ivoirité « , le vieux thème récurrent de l’anti-colonialisme et du rejet du colonisateur, un thème lui aussi facilement fédérateur.
Cela laisse un peu songeur : la France a prouvé, au fil des derniers mois, et en Côte d’Ivoire notamment, qu’elle était décidée à tirer les leçons du passé, et qu’elle se gardait bien, désormais, d’intervenir directement dans les affaires politiques africaines. Cela doit-il l’empêcher de parler, comme elle pourrait le faire pour n’importe quel autre pays du monde ?
Cela laisse surtout songeur sur les orientations réelles du pouvoir ivoirien : à un moment où l’extension mondiale des communications matérielles et immatérielles impose à tous les pays du monde une ouverture croissante et une plus grande tolérance à autrui, il semble choisir de s’appuyer au contraire sur des logiques d’exclusion et d’intolérance. Est-ce bien là l’avenir, à la fois économique et institutionnel, vers lequel la Côte d’Ivoire veut aller ?