L’association SURVIE, présidée par François-Xavier Verschave, sera en procès les 28 février et 5 et 7 mars 2001 contre trois chefs d’Etat africains : Omar Bongo, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso. Ces trois hommes ont attaqué l’association pour offense à chef d’Etat, après la parution de son dernier livre : « Noir Silence ».
L’association SURVIE est née il y a une vingtaine d’années, à la suite du manifeste des Prix Nobel contre la faim et pour le développement. Depuis cette date, elle lutte pour la rénovation du dispositif de coopération, pour l’assainissement des relations franco-africaines et pour le rejet des crimes contre l’humanité. Elle est à l’origine de nombreux ouvrages qui accompagnent son travail sur le terrain. Le dernier en date est « Noir Silence », paru en mai 2000. Ce livre a engendré le mécontentement de nombreux personnages politiques, dont celui de trois chefs d’Etat africains, Omar Bongo, Idriss Déby et Denis Sassou Nguesso. Ils ont tous trois entamé une procédure judiciaire d’offense à chef d’Etat et réclame réparation à François-Xavier Verschave, président de SURVIE. Quel est l’état d’esprit de M.Verschave à la veille de ces procès ? Rencontre avec un militant, bien documenté, de la cause humanitaire.
Afrik.com : M.Verschave, où en êtes-vous de vos procès avec les trois chefs d’Etat africains ?
F.X. Verschave : Avant de répondre à cette question, il faut tout d’abord que je vous explique que le procès n’est pas directement dirigé contre moi. « Noir Silence » est une oeuvre collective à laquelle j’ai collaboré, bien évidemment, et que j’assume pleinement. Cependant, pour des raisons éditoriales nous avons préféré que je le signe personnellement. Les attaques judiciaires sont donc tournées vers l’association, et non vers moi, même si de par mon statut de président, je suis d’une certaine manière plus responsable que les autres.
En ce qui concerne le procès, M. Jacques Verges a envoyé, au mois de juin, trois courriers au ministre des Affaires étrangères, pour entamer les procédures. Il est intéressant de noter la nature même de cette procédure, identique pour les trois hommes. Cette dernière est l’offense à chef d’Etat. C’est une procédure archaïque, qui n’est plus usitée en France depuis environ 25 ans et qui ne nécessite aucune preuve. Elle entraîne automatiquement une condamnation, même si les dires qui font offense sont véridiques. Par le choix de cette procédure, plutôt que d’une attaque en diffamation, Verges souligne la véracité des propos que contient « Noir Silence », puisqu’il ne tente même pas de les nier.
Les procès se dérouleront le 28 février puis les 5 et 7 mars et feront comparaître environ trente témoins qui tenteront de venir soutenir nos dires. Ce sera l’occasion d’exposer les trois régimes, du Gabon, du Tchad et du Congo-Brazzaville, et de faire, en quelque sorte, le procès de la Françafrique. Nous avons déjà reçu, par l’intermédiaire de la motion de soutien que nous faisons circuler, de nombreux témoignages d’Africains qui voient dans ces procès une incroyable chance de dénoncer les relations franco-africaines.
Afrik.com : Lorsque vous avez rédigé puis publié ce livre, vous attendiez-vous à de telles retombées juridiques ?
F.X. Verschave : Après la sortie de « Françafrique », en 1998, nous avions déjà été attaqués par Charles Pasqua pour diffamation. Par conséquent, nous nous attendions à de telles réactions sur « Noir Silence », mais à dire vrai, je les attendais davantage en France.
Les procès intentés par les trois chefs d’Etat africains ne sont pas les seules attaques que nous ayons eues sur ce livre. Nous avons également reçu deux attaques en diffamation, l’une d’un milliardaire franco-russe qui serait impliqué dans un trafic d’armes en Angola et l’autre d’un ex-juge, Jacques Bidalou qui nous reproche de le citer une fois dans le livre.
Afrik.com : Quelles seront, selon vous, les conséquences de ces procès pour l’association ?
F.X. Verschave : Comme je vous l’ai dit, Verges a fait l’erreur de nous attaquer pour offense et non pour diffamation, à partir de là il semble que les procès nous soient plus profitables qu’à eux puisqu’ils font parler de la situation entre la France et l’Afrique. Ils vont, semble-t-il, perdre ce procès, en terme d’image, et cela fera beaucoup de bien aux Africains et à la lutte contre la Françafrique.
Afrik.com : Pour finir, sur la situation actuelle, qu’en est-il de la Françafrique dans les derniers évènements politiques, notamment en Côte d’Ivoire ?
F.X. Verschave : La présence française dans les affaires africaines est toujours d’actualité. Pour prendre l’exemple de la Côte d’Ivoire, il serait trop long de détailler tous les mécanismes de cette présence. Chaque réseau politique français a soutenu un camp et il est difficile de déterminer à quelle hauteur ils ont participé dans le processus électoral.
Le véritable danger aujourd’hui et ce que nous avons essayé de montrer dans « Noir Silence » c’est le risque de mondialisation de la Françafrique, ce que nous appelons la « mafiafrique ». C’est à dire, une alliance entre les grandes puissances économiques, USA, Grande Bretagne, France… qui mutualiseraient leurs réseaux d’influence sur les pays pauvres.