L’Algérie va de mal en pis. Le pouvoir en place, qui a littéralement dilapidé l’embellie financière du pétrole, au lieu de sortir le pays de son marasme socioéconomique, ne veut pas lâcher prise. Voyant l’état de santé du président de la République, qui s’affaiblit de jour en jour, il s’obstine à chercher un successeur pour l’imposer. Le citoyen aura-t-il son mot à dire ?
Pas sûr ! D’abord, parce que si l’on regarde l’histoire politique de l’Algérie, la souveraineté du peuple n’a jamais été le souci du régime algérien depuis 1962, que ce soit pour élire les dirigeants, ou pour adopter les textes fondamentaux engageant l’avenir du pays sur les plans politique, économique, social et culturel. Dans le choix de ses dirigeants, le peuple algérien a, depuis l’indépendance et jusqu’à ce jour, été mis à l’écart. Il est consulté lors d’une mascarade d’élections, sous l’égide du parti unique, après que le Président ait reçu la caution de l’armée ou des clans faisant office de famille révolutionnaire.
La Constitution quant à elle, a été élaborée sur mesure par tous les présidents de la République qui se sont succédé. Elle est d’ailleurs constamment source de discorde. On a pu noter un semblant d’ouverture démocratique à l’issue des évènements du 5 octobre 1988 mais, rapidement, les consultations populaires ont été détournées et le bourrage des urnes a occulté la voix du peuple.
Sous le règne de Bouteflika, la Constitution a été révisée à trois reprises sans avoir recours au référendum populaire. Bouteflika a préféré la voix parlementaire : l’Assemblée et le Sénat. Lors de la révision de 2008, le Président a déverrouillé un article limitant à deux le nombre de mandats du Président. Bouteflika a ainsi brigué un troisième et un quatrième mandat d’une manière controversée. La révision constitutionnelle de 2016 est truffée de renvois aux lois organiques, ce qui rend la lecture compliquée et floue.
Ajoutons à cela que Bouteflika a su réduire voire anéantir l’action de l’armée en déstructurant le DRS (Département du renseignement et de la sécurité), ce qui lui a permis de régner en maître et sans partage en affaiblissant les institutions de l’Etat. Outre la généralisation de la corruption à tous les niveaux (l’affaire Khallifa, l’affaire Sonatrach I et II…), l’Algérie, en dépit de ses importantes richesses, connaît une précarisation de tout un pan de sa société. Quant au Parlement et au Sénat qui devraient porter la voix du peuple algérien, ils se sont transformés en simples chambres d’enregistrement.
Ensuite, notons que les richesses générées par la rente pétrolière profitent essentiellement à une oligarchie constituée des proches du Président, de chefs de partis politiques et de syndicats asservis, de patrons d’entreprises privées amis du pouvoir, de responsables de journaux et de chaînes de télévision, et bien sûr de la caste militaire et d’autres corps constitués. Pour justement préserver ces avantages, cette oligarchie fait tout pour bloquer la voix du peuple et étouffer toutes les réformes démocratiques allant contre ses intérêts.
Pour garder sa rente, cette oligarchie veille à ce que le successeur soit issu du sérail. Le but étant de continuer à contrôler l’économie et de profiter de la manne pétrolière. Les mégaprojets d’infrastructures, en apparence d’intérêt général (comme la réalisation de l’autoroute est-ouest, de l’extension du réseau ferroviaire, la grande mosquée de la capitale ou encore l’achèvement des travaux du métro d’Alger), ont permis des détournements colossaux. Cela explique d’ailleurs la médiocre qualité des ouvrages.
Enfin, le successeur au pouvoir devra veiller à sauvegarder les intérêts des partenaires économiques occidentaux notamment les Etats-Unis et la France. Ces derniers détiennent en effet une part substantielle des marchés en Algérie dans différents secteurs économiques (entre autres : hydrocarbure, automobile, industrie pharmaceutique).
Ainsi, les dirigeants de ces pays occidentaux, anciennes puissances coloniales, pour maintenir leurs positionnements économiques, soutiennent ces régimes despotiques et totalitaires qui, pour se maintenir au pouvoir, entretiennent l’abrutissement de leurs administrés et usent de la tyrannie ainsi que de l’arbitraire contre les intellectuels pour mieux les mâter.
Somme toute, la conjugaison de tous ces facteurs laisse peu de chance pour que le peuple algérien exprime sa véritable volonté, à moins d’une révolution miraculeuse. Certes, le peuple algérien est peut-être rendu sceptique ou frileux face au changement, notamment en raison de la décennie noire (années 90), mais cela ne veut pas dire qu’il doit se résigner. Le changement ne pourrait venir que de la base populaire, car ceux qui sont au sommet n’ont aucun intérêt à le faire.