Staff Benda Bilili, un groupe congolais (RDC) composé de musiciens paraplégiques, achève sa tournée en France. Les musiciens se produisent aujourd’hui au Cabaret Sauvage, à Paris, pour interpréter les titres de leur premier album, Très très fort. Ils prévoient une tournée internationale cet automne. Rencontre avec un groupe hors du commun.
Staff Benda Bilili, qui signifie « regarder au-delà des apparences » en Lingala, a débarqué en France pour trois concerts avant une tournée internationale à l’automne. Avant de monter sur scène aux Eurockéennes début juillet, les membres ont découvert la capitale et se sont arrêtés au Café de la musique pour prendre un petit déjeuner. Sur la terrasse, les conversations vont bon train. Ils affichent tous un grand sourire. « On est très très content ! Je veux que 10 000 personnes viennent nous voir !», confie Ricky, le chanteur. « Staff Benda Bilili, c’est l’orchestre des handicapés », continue-t-il de raconter. Mais pour eux, c’est avant tout la musique qui compte. Entre deux éclats de rire avec ses amis, Ricky s’exclame : « Qu’est-ce qu’il faut faire dans la vie ? Il faut chanter, jouer ! Je ne vois pas le handicap. »
Au début de l’aventure, Yakala et Ricky, tous deux atteint de la polio, jouaient ensemble. Peu à peu, le groupe s’est agrandi. Aujourd’hui, ils sont huit chanteurs, guitaristes et percussionnistes.
« On est cinq handicapés et trois valides parce qu’il faut des valides pour nous aider », explique Ricky. Ils ont l’habitude de jouer à Kinshasa, au jardin zoologique. «On joue au zoo parce qu’on n’avait pas les moyens de louer une salle. Ailleurs, on peut pas faire de bruit », explique Cavalier, bassiste, qui est un des membres valides du groupe. « J’ai commencé la musique à l’âge de 15 ans à l’école, raconte-t-il. Un jour, mon père m’a amené une guitare. J’ai joué dans beaucoup d’orchestres et avec des amis, mais j’ai commencé à travailler quand j’ai rencontré le staff. Je les ai vus répéter au zoo où je travaillais. Ils m’ont demandé si je pouvais les accompagner. Je ne pouvais pas refuser. » Théo, guitariste et chanteur, a lui aussi commencé la musique quand il était jeune. Il avait dix ans, et il jouait du tam-tam pour faire danser les enfants. Pour lui, la musique est un don. « Il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas chanter ! La musique, tu peux l’apprendre, mais ça vient comme ça », explique-t-il.
« Celui qui est handicapé n’est pas différent des autres »
Le groupe mélange différents styles, comme le dit Théo : « On fait la rumba blues, la musique internationale : la rumba, le blues, le reggae, la salsa… tout ! ». Dans leurs morceaux, ils racontent leur vie au Congo, en Lingala ou en Français. « Nous parlons de la vie, nous donnons des conseils, des messages », continue Théo. « On ne chante pas souvent l’amour, mais on chante pour éduquer les gens », ajoute Cavalier. Dans le morceau Polio, ils invitent les parents à vacciner leurs enfants contre la maladie et chantent que « celui qui est handicapé n’est pas différent des autres » en lingala.
Leur histoire a pris un nouveau virage en 2004 lorsque Renaud et Florent, deux Français qui tournaient un film sur la musique à Kinshasa, les ont entendus jouer. « Dès le lendemain de notre rencontre, on a commencé à filmer, raconte Florent. Ils faisaient la manche en bas de restaurants pour blancs. Personne ne faisait vraiment attention à eux alors que c’était leurs propres morceaux, pas des reprises. Il s’est passé beaucoup de choses depuis. »
Le groupe enregistre son premier album, Très très fort qui sort en 2009. Staff Benda Bilili attise la curiosité des mélomanes européens et commence à rencontrer du succès dans son pays. « Au début, le public était surtout composé de blancs, mais les Congolais commencent à comprendre, explique Florent. A Kinshasa, les gens se méfient des handicapés parce qu’ils sont organisés, comme un « gang »». Mais sur la scène internationale, les musiciens rencontrent rapidement un franc succès. En 2007, ils jouent avec Massive Attack, De la Soul et Damon Albarn de Blur en visite dans la capitale congolaise.
Malgré la gloire qui point, la plupart des membres du groupe vivent toujours dans la rue ou dans des centres d’hébergement. Ils espèrent pouvoir acheter une maison bientôt, et continuer l’aventure.
Staff Benda Bilili est à découvrir le 15 juillet au cabaret sauvage à Paris. Comme le dit Cavalier, « le concert, ça va chauffer ! Vous allez transpirer à mort ! »
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