Soweto, la comédie musicale de Serge Bilé, retrace les dernières années de Nelson Mandela au pénitencier de Robben-Island, en Afrique du Sud, et les affrontements que se livrèrent les partisans et les opposants de l’apartheid. Le spectacle est joué au Casino de Paris, les 25, 26 et 27 avril.
Coproduit par Serge Bilé et Françoise Valère, Soweto a été mis en scène par deux Martiniquais, José Exélis et Aurélie Dalmat. Ce spectacle de deux heures retrace les dernières années de Nelson Mandela au pénitencier de Robben-Island et les affrontements que se livrèrent les partisans et les opposants de l’apartheid pendant cette période: Winnie Mandela, qui reprend le flambeau et qui aide son mari à tenir avec toute la passion, parfois excessive, qui la caractérise. Desmond Tutu, l’archevêque militant, prix Nobel de la paix, qui n’’hésite pas à mouiller sa soutane. Pieter Botha, l’intransigeant président qui ne jure que par le dééveloppement séparé et qui réprime dans le sang la moindre contestation. Frederik De Klerk, partisan au départ comme tous les siens d’une ligne dure, mais qui finit avec le temps par évoluer et par mettre fin au système. Aubrey Maleka et Ellen Sita, qui représentent le petit peuple sud-africain qui oscillent au quotidien entre résignation et colère.
Afrik.com : Nous connaissions de vous quelques facettes: l’écrivain, l’essayiste, le journaliste, le producteur de documentaires, mais un peu moins bien le musicien. Comment vous est venue l’idée de faire une comédie musicale ?
Serge Bilé : Je nourris, comme beaucoup de gens, une grande admiration pour Nelson Mandela. Je me suis rendu deux fois en Afrique du sud pour présenter les Africa Music Awards. Je n’ai pas eu la chance de rencontrer Nelson Mandela mais j’ai pu mesurer ce qu’a été l’apartheid dont les séquelles se prolongent encore aujourd’hui. Tout ça m’a donné envie de dire cette douleur à partir de la Martinique, où je vis, et qui partage une histoire semblable à celle de l’Afrique du sud. Même souffrance avec l’apartheid là-bas et l’esclavage ici. Même population avec des Noirs, des Blancs et des Indiens.
Afrik.com : comment fait-on, avec un tel passé, pour surmonter les rancœurs et vivre ensemble ?
Serge Bilé : Je voulais le dire à travers une comédie musicale car c’est une autre façon de témoigner avec le chant, la danse, et le jeu d’acteur. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait. Mais, c’était excitant comme défi pour l’auteur et le musicien que je suis. Je voulais que ce spectacle traduise à travers les drames et les espoirs sud-africains la réalité de tous ces peuples qui sont encore opprimés aujourd’hui. Je n’ai pas cherché pour autant à faire un cours d’histoire, car il fallait garder la dimension du spectacle avec des chansons qui disent les choses mais conservent tout de même une certaine légèreté. Il m’a semblé, puisqu’il s’agit d’un spectacle musical, que la meilleure façon d’amener le public à se plonger dans ce récit, c’était de l’articuler autour de l’histoire d’amour entre Nelson et Winnie Mandela, sur fond d’affrontement entre les opposants à l’apartheid, comme monseigneur Desmond Tutu, et les partisans, comme le président Pieter Botha.
Afrik.com : Comment s’est déroulé le casting ?
Serge Bilé : Je voulais, sans attendre personne, offrir les premiers rôles que l’on ne donne pas toujours ailleurs. Le casting s’est déroulé en Martinique et à Paris, pour les chanteurs, et à Fort-de-France, pour les danseurs. Je voulais mêler des artistes et des compositeurs de tous horizons : martiniquais, africain, parisien, américain. C’est une équipe « arc en ciel » qui fonctionne bien et dans laquelle on trouve également une chanteuse réunionnaise et un danseur guyanais. Les musiques ont été faites pour l’essentiel à Paris. Les chorégraphies ont été réalisées par une grande danseuse haïtienne. Le scénographe est cubain et la mise est scène martiniquaise. Le projet est soutenu, depuis le début, par le Conseil régional de la Martinique qui a cru d’emblée en ce projet et a apporté une grande partie du budget.
Afrik.com : C’était un pari osé !
Serge Bilé : En effet, car c’est la première fois qu’une comédie musicale d’une telle envergure est montée en Martinique et exportée. C’est une chance également pour notre public qui a la primeur de l’évènement alors qu’il se contentait jusqu’ici, dans ce domaine, de shows venant de l’extérieur, souvent allégés, et proposés plusieurs mois après leur création. C’est une chance enfin pour nos artistes. Je voulais, sans attendre sur personne, leur offrir les premiers rôles qu’on ne leur donne pas toujours ailleurs. Il faut de plus en plus que la communauté afro antillaise s’organise et puise dans ses moyens humains et financiers pour faire triompher la diversité qu’elle réclame à cor et à cri et qu’on lui refuse obstinément.
Afrik.com : Quel public visez-vous ? Et quel accueil a reçu la comédie ?
Serge Bilé : On ne vise pas un public de spécialistes mais un public essentiellement populaire, le même que celui des autres comédies musicales comme « Notre Dame de Paris » ou « Autant en emporte le vent ». Les chansons ont été écrites dans ce sens afin de toucher un large auditoire. Et visiblement ça marche. Trois dates avaient été programmées en Martinique pour les premières représentations début avril. On a fait finalement le double, ce qui représente près de six- mille spectateurs. C’est énorme pour une petite île comme la nôtre de 350.000 habitants. La demande est d’ailleurs tellement forte que la troupe reviendra en novembre à Fort-de-France alors que l’aventure devait se terminer à la fin de ce mois. On attend, du coup, beaucoup également des trois dates au Casino de Paris. Si on fait le plein, peut-être que ça intéressera un producteur de reprendre ce spectacle et de prolonger l’aventure dans toute la France et à l’étranger, à commencer par l’Afrique. La troupe en a grandement envie.
Afrik.com : Que représente un tel spectacle pour la Martinique où il a été créé ?
Serge Bilé : C’est une fierté pour une petite île comme la Martinique de rendre hommage à un grand homme comme Nelson Mandela. C’est notre façon de participer au monde et de lui dire qu’il doit compter avec nous dans tous les domaines artistiques, y compris ceux qui ne nous étaient pas familiers jusqu’ici.
Soweto, les 25, 26 et 27 avril 2008 au Casino de Paris. Un spectacle coproduit par Françoise Valère et Serge Bilé. Mise en scène par José Exélis et Aurélie Dalmat. Avec dans les rôles principaux: Karl « the voice »(Nelson Mandela), Tanya Saint-Val (Winnie Mandela) et Ralph Thamar (Desmond Tutu). La chorégraphie est signée Stéfanie Batten- Bland. Les compositions sont signées des Martiniquais Eric Virgal, Manuel Mondésir, Manuel Césaire, de l’Américaine Alis Terelle, du Sénégalais Willy Camara, et des Parisiens Jacques Bastello, Benjamin Nakamura-Constant et Christian Lachenal. La direction artistique est assurée par Christian Lachenal. Avec le soutien du conseil régional de la Martinique.