Le Malien Souleymane Cissé figure parmi les « Grands » du cinéma africain. Son nom est à lui seul une référence dans le milieu. Il a réalisé beaucoup des documentaires et plus d’une trentaine de films. Premier cinéaste africain à être primé à Cannes en 1987 avec son long métrage Yeelen, il est membre du jury de Cinéfondation au 59e édition du festival de Cannes (France), pour la deuxième fois.
Par Vitraulle Mboungou
Souleymane Cissé est considéré comme le pilier du cinéma africain. Il est l’un des plus talentueux cinéastes de sa génération sur le continent africain et sur la scène internationale. Son parcours est pour le moins impressionnant. Né à Bamako (Mali), en 1940, d’une famille musulmane d’origine modeste, il s’intéresse dès l’enfance au 7e Art. Après des études secondaires à Dakar, il revient au Mali en 1960, année de l’indépendance du pays. Beaucoup racontent qu’il aurait réellement décidé de devenir cinéaste après avoir visionné un documentaire sur l’arrestation de Lumumba. Rêve qu’il va réaliser en allant étudier à Moscou grâce à une bourse d’Etat. De retour au pays, il est engagé en 1970 par le ministère de l’Information comme réalisateur. Il met en images, outre les discours officiels, plusieurs films d’actualité et des documentaires. Deux ans plus tard, il se lance dans la réalisation cinématographique avec un moyen métrage de fiction, Cinq jours d’une vie, sur le thème de la jeunesse et du vagabondage. Ce premier essai se révèle être concluant puisqu’il est primé au festival international de Carthage (Tunisie), un des plus importants festivals arabes et africains. C’est le début d’une longue carrière.
Un cinéaste engagé
Les films de Souleymane Cissé décrivent la vie quotidienne des couches populaires face aux abus de pouvoir des nouveaux régimes africains. Ainsi Finyé (Le Vent) en 1982, premier volet d’une trilogie dédiée à l’Afrique, relate la révolte de la jeunesse malienne face au pouvoir en place. Il apparaît avec ce film comme un réalisateur radical et lucide quant à la situation économique, politique et sociale de son pays. Ce long métrage va le propulser sur le devant de la scène cinématographique internationale, en obtenant un prix au festival de Cannes. Des années auparavant, une autre de ses réalisations lui a valu d’être emprisonné. Den Muso (La fille), produit en parti grâce au Ministère de la Coopération française, raconte l’histoire d’une jeune fille muette, violée puis rejetée par sa famille. Il sera interdit à la projection au Mali pendant trois ans, le gouvernement cherchera même à détruire le négatif original.
Très engagé dans le développement de l’audiovisuel dans son pays et dans la région, il est président fondateur de l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO). Cette organisation cherche à palier le peu de soutien financier dont bénéficie le cinéma africain et le manque de structures pour la production et la distribution. « Notre cinéma est en train de se casser la gueule : il faut s’arrêter pour voir ce qu’on fait. J’ai fait Waati en 1995 et n’ai pas tourné depuis, malgré l’envie très forte de faire un film. Pour relancer le cinéma africain, nous avons créé l’UCECAO en 1997 », s’est ainsi confié le cinéaste au magazine Africultures.
Un habitué des plus grands festivals internationaux
Reconnu comme l’un des grands cinéastes contemporains, il est le porte-parole du cinéma d’Afrique noire au festival de Cannes. Il fait parti cette année pour la deuxième fois, du jury de Cinéfondation, une structure créée en 1998 pour soutenir la création cinématographique dans le monde et aider à préparer la relève avec une nouvelle génération de cinéastes. C’est en quelque sorte un juste retour des choses pour cet habitué du festival le plus connu du monde. Nommé et sélectionné plusieurs fois, il a été primé en 1987 avec Yeelen (la Lumière) considéré comme un véritable chef-d’œuvre. Projeté en Compétition Officielle, il a fait l’unanimité et a décroché le prix du Jury. Yeelen est un film initiatique sur le douloureux chemin qui mène de l’enfance à l’âge adulte et sur le droit chemin. C’était la première fois qu’un film africain était nommé, sélectionné et primé à Cannes. Cinq ans auparavant, il avait déjà reçu le Grand Prix du Conseil International du Cinéma et de la Télévision au Festival de Cannes dans la section « Un certain Regard » avec le film Finyé. Il a été membre du jury de la Sélection officielle en 1983.
Il a également reçu à deux reprises le prix de l’Étalon de Yenenga au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), pour ses films, Baara (Le travail) en 1979 et Finyé en 1983. Un record jamais égalé jusqu’à présent. Ses deux films sont ceux qui ont été le plus primé dans sa filmographie. Souleymane Cissé a été élevé par le Président de la République, Amadou Toumani Touré, au rang de Commandeur de l’Ordre national du Mali le 1er janvier 2006.