Avec Souk System, Gnawa diffusion poursuit le métissage des musiques qui lui a valu le succès de Bab el Oued Kingston. La fusion entre les rythmes africains et occidentaux y est encore plus poussée et les textes, autrefois consacrés à la réalité algérienne, embrassent la complexe situation internationale. Le groupe, en tournée dans toute la France, se produira le 17 octobre à l’Elysée Montmartre, à Paris.
Shalom …, Salam …, Slalom …, indique un panneau routier sur le dernier album de Gnawa Diffusion, Souk System, comme pour illustrer le soin que prennent les autorités israéliennes et palestiniennes à éviter le chemin de la paix. Pour sa part, le groupe emmené par Amazigh Kateb éprouve toujours un malin plaisir à slalomer entre les rythmes africains et occidentaux : gnawa, chaâbi, dub, rap, ragga… aucun des styles qui ont fait le succès de Bab el Oued Kingston ne manque à l’appel. Seule différence, dans son apprentissage du slalom, le groupe grenoblois semble prendre un plaisir encore plus grand à chuter, pour emporter avec lui tous ces rythmes et les faire fusionner dans un même morceau. Au contraire de leur précédent album, où les styles ne faisaient que cohabiter, Gnawa Diffusion est parvenu dans Souk System à faire mélodieusement jouer crotales[[<1>Instrument en forme de 8 en acier dont le son ressemble à celui d’une simballe. Il se tient dans la paume de la main grâce à un lacet reliant les deux parties de l’instrument.]], guembri[[<2>Basse traditionnelle disposant d’une octave. Les cordes sont en boyau, la peau est en cou de chameau et le tronc et le manche en bois, de préférence en Acajou.]] et beats électroniques dans les mêmes morceaux.
Ce qui ne l’empêche pas d’interpréter certains titres, tels « Lalla Mira el Gnawia », dans le pur style traditionnel gnawi. Ni de prendre la succession des maîtres du chaâbi, en réinterprétant à son tour les tubes de la musique populaire algéroise. Après avoir brillamment chanté le sublime Chara’Allah, du maître El Hachemi Guerouabi, Amazigh Kateb s’est attaqué à « Saki Baki », du même auteur. Un titre qu’il parvient à s’approprier grâce à son timbre sablonneux si particulier. Gnawa Diffusion soumet également une nouvelle version de « Match Bettikh », après les deux interprétations proposées dans Live DZ.
Militants
Pour ce qui est de textes, Amazigh Kateb et ses camarades semblent plus engagés et militants que jamais. La pochette de l’album, un peu fourre-tout et sur laquelle cohabitent José Bové, un drapeau palestinien, une représentation de Che Guevara ou encore des plants de cannabis et de tomates OGM, ne laisse aucun doute la dessus. Après avoir chanté l’Algérie – Algéria, Bab el Oued Kingston – Gnawa Diffusion s’est attaché à livrer sa vision des relations internationales. L’actualité, chargée ces derniers mois, les y invitait fortement. Conflit israélo-palestinien, seconde guerre du Golfe, rôle des bailleurs de fonds internationaux… et même conséquences néfastes de l’urbanisation : ils sont de tous les combats.
« Le FMI affame, la Banque mondiale crédite, l’Onu n’a pas de c… ou alors elles sont toutes petites… », assène d’abord Amazigh Kateb dans « Itchak el Baz », sur un faux air de country. Pour en rajouter une couche dans « Charla-town » : « …J’attends la Palestine depuis 50 ans. De retour les vampires du processus de l’été, qui viennent s’occuper des territoires occupés, l’intifada appelle le monde mais ça sonne occupé, ces enfants ne connaissent de la paix que cet été maltraité, Charlatans… ». Des prises de position dont vous pourrez directement discuter avec les intéressés, vendredi, à l’Elysée Montmartre, où ils se produisent dans le cadre de leur tournée en France.
Gnawa Diffusion, Souk System, Wsm, 2003
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