Une institutrice britannique comparaît, ce jeudi, à Khartoum, pour avoir laissé ses élèves appeler Mahomet l’ours en peluche de la classe. Gillian Gibbons, qui a semble-t-il agi par naïveté, est notamment poursuivie pour insulte au prophète Mahomet des musulmans. Londres et Khartoum tentent de résoudre l’affaire en évitant l’incident diplomatique.
Gillian Gibbons est apparue bouleversée, jeudi, devant la cour de Khartoum qui doit décider de son sort. Cette institutrice britannique, inculpée mercredi, comparaît pour insulte au prophète Mahomet, incitation à la haine et mépris des croyances religieuses. L’affaire remonte à septembre dernier. L’enseignante demande à ses élèves, âgés entre six et sept ans, comment ils voulaient baptiser l’ours en peluche de la classe. Le vote est sans appel : 20 des 23 enfants veulent appeler l’ours Mahomet (Muhammad, en anglais).
Gillian Gibbons se plie au vote. Elle laisse les élèves rentrer à tour de rôle avec la mascotte pour un exercice. Il s’agit pour eux de consigner par écrit ce qu’ils ont fait avec Mahomet. Au final, toutes les aventures ont été réunies au sein d’un journal intime intitulé «Mon nom est Mahomet». Problème, des parents ont porté plainte auprès du ministère soudanais de l’Education, dénonçant un blasphème. D’autant que leur religion ne tolère aucune représentation du prophète. La ressortissante britannique a finalement été arrêtée, dimanche dernier, puis interrogée. L’école privée où elle exerçait avait même fermé ses portes par peur de représailles.
Les Soudanais partagés
Des collègues de l’accusée ont assuré qu’elle ne pensait pas insulter l’islam, un avis que partagent certains Soudanais. D’après eux, des excuses de Gillian Gibbons devraient suffire pour la pardonner. Quant au journal anglophone local The Citizen, il écrit que « le cas de Gibbons illustre les difficultés quotidiennes des non-musulmans vivant dans le nord du Soudan (…) qui peuvent être arrêtés, flagellés et condamnés à des amendes ».
Le Conseil musulman de Grande-Bretagne a, de son côté, vivement dénoncé la procédure judiciaire. « C’est une décision scandaleuse et qui échappe le bon sens, s’est emporté le Dr Muhammad Abdul Bari, son secrétaire général. Il n’y avait clairement aucune intention de la part de l’enseignante de délibérément insulter l’islam. (…) Nous appelons le président soudanais, Omar el-Béchir, à intervenir dans cette affaire sans délai pour assurer que Mme Gibbons soit libérée de cette épreuve judiciaire honteuse. »
Tous ne l’entendent pas de cette oreille, comme, au Soudan, le comité des oulémas. Il conseille aux parents de prendre garde à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement conforme aux valeurs de l’islam. D’autres responsables religieux estiment pour leur part que la quinquagénaire n’a pas agit par naïveté et que son acte entrait dans le cadre d’un complot contre l’islam.
Reste que Gillian Gibbons risque, en vertu de l’article 125 du code pénal, six mois de prison, 40 coups de fouet ou une amende. Les autorités britanniques, qui se sont déclarées « surprises et déçues » par cette affaire, sont à pied d’œuvre pour éviter la condamnation de l’ex-employée de l’Unity High School. Le ministre des Affaires Etrangères britannique, David Miliband, a convoqué l’ambassadeur du Soudan à Londres concernant ce dossier. Apparemment plus serein, l’ambassadeur soudanais a qualifié le dossier de « tempête dans une tasse de thé ». Il considère d’ailleurs que Gillian Gibbons pourrait bientôt recouvrer la liberté.