L’Union européenne (UE) a exhorté les autorités soudanaises à assurer que les travailleurs humanitaires puissent aider les milliers d’habitants touchés par les affrontements en cours au Darfour, et à renforcer la sécurité dans l’ouest instable du pays.
« Tandis que les affrontements se poursuivent entre les forces du gouvernement et les [groupes armés], et entre les [communautés], les travailleurs humanitaires ne peuvent pas se rendre dans certaines communautés parmi les plus nécessiteuses », a dit Kristalina Georgieva, Commissaire européenne à la coopération internationale, à l’aide humanitaire et à la réaction aux crises.
« Certaines vastes zones de l’est du Djebel Marra…, qui sont actuellement le théâtre d’affrontements, sont inaccessibles depuis février », a-t-elle ajouté. « Je n’imagine même pas les conditions terribles dans lesquelles se trouvent les femmes et les enfants, qui ont cruellement besoin d’une aide humanitaire que nous ne sommes tout simplement pas en mesure de leur apporter ».
Assurer l’accès au Darfour et la sécurité permettrait également de stimuler le développement économique de la région, et de mettre fin au « cercle vicieux qui veut que la crise entraîne l’insécurité et que l’insécurité aggrave la crise », a déclaré Mme Georgieva, qui s’est récemment rendue dans la région, au cours d’un entretien publié par ECHO, le service d’aide humanitaire de l’Union européenne, le 18 juin.
Les affrontements entre les groupes armés, le manque d’accès humanitaire, et les précipitations insuffisantes ont aggravé la situation humanitaire des populations du Darfour, selon les travailleurs humanitaires. Les affrontements entre les forces du gouvernement soudanais et le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) se sont intensifiés en mai, au Sud-Darfour, et les deux camps ont essuyé des pertes, selon la Mission des Nations Unies au Darfour (MINUAD).
Les forces gouvernementales s’opposent également à un autre groupe, la faction Abdul Wahid de l’Armée de libération du Soudan. Des affrontements distincts ont également eu lieu entre les communautés armées de la région.
En mai, au moins 447 personnes ont trouvé la mort dans la région. Des milliers d’habitants ont également été déplacés dans certaines zones telles qu’El Taweisha, dans le nord du Darfour. Au moins 10 000 habitants sont récemment arrivés au camp de Zam Zam, près d’El Fasher, chef-lieu de l’Etat. Le 16 juin, la MINUAD a fait état d’affrontements continus entre les communautés Misseriya et Mahadi, au sud-ouest de Zalingei, dans l’ouest du Darfour.
« La récente intensification des affrontements entrave sérieusement la mise en œuvre efficace du mandat de protection de la MINUAD », a récemment déclaré Ibrahim Gambari, représentant spécial conjoint de l’Union africaine (UA) et des Nations Unies au Darfour, au Conseil de sécurité des Nations Unies. Les civils, a-t-il ajouté, ont quitté les zones d’affrontements telles que Jebel Moon, pour se déplacer vers la frontière tchadienne et les régions situées à l’est de Jebel Moon.
Les hostilités entre le JEM et les forces du gouvernement se sont intensifiées au cours des deux premières semaines de mai, a-t-il ajouté. La circulation des équipements et le renforcement des troupes se poursuivent dans les deux camps, et les confrontations militaires risquent de se poursuivre également à moins que des efforts ne soient déployés d’urgence pour assurer un cessez-le-feu.
Suspension des opérations
La situation a forcé les organisations non gouvernementales (ONG) à suspendre leurs opérations dans l’est du Djebel Marra, et les évaluations humanitaires sont extrêmement limitées, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
« Le problème dans l’est du Djebel Marra, c’est que nous ne savons pas quelle est la situation parce que nous n’y avons pas accès », a déclaré John Holmes, Coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies, au cours d’un déplacement récent au Soudan.
Le conflit, conjugué à la sécheresse, aux prix élevés des denrées alimentaires et à la faible production saisonnière, risque de compromettre la sécurité alimentaire jusqu’en septembre dans certaines zones de cette région instable, a prévenu le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWS Net) dans un document publié le 16 juin.
Déplacements
Les affrontements entre le JEM et les forces du gouvernement à Jebel Moon, dans l’Etat du Darfour-Ouest, dans certaines régions situées dans l’est de l’Etat du Sud-Darfour, et dans certaines zones du sud du Nord-Darfour, ainsi que les conflits communautaires entre les misseriyas et les rezighats dans certaines régions du sud/est du Darfour-Ouest et dans le sud/ouest du Sud-Darfour ont provoqué le déplacement de milliers de personnes vers Mukjar, Bendesi et Zalingei, en mai.
« Les conditions d’insécurité actuelles au Darfour continuent d’empêcher les populations d’avoir recours aux stratégies de subsistance typiques telles que le ramassage de bois/d’herbe, les migrations de travail saisonnières, et la cueillette d’aliments sauvages », a révélé l’organisme.
Le conflit du Darfour a éclaté en 2003, lorsque des groupes locaux ont pris les armes, accusant le gouvernement de négliger la région. En réaction, le gouvernement aurait armé les Janjawids, des milices arabes – une affirmation niée par les autorités. Ces milices sont accusées d’attaquer, de violer et de piller les membres des communautés indigènes du Darfour.
Le président soudanais Omar el-Bashir a quant à lui été inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, en relation avec la situation au Darfour.